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Une fête des Mères avec Ginette Reno!

En cette fête des Mères, j’avais envie de vous offrir le meilleur: une entrevue avec Ginette Reno, qui a eu une carrière enlevante, mais aussi une vie de maman trépidante. On s’en doute, être une super chanteuse, une super amoureuse et une super maman en même temps, cela laisse parfois des traces sur le corps et sur l’âme. Ginette a eu la générosité de me livrer une partie de ses secrets, comme elle le fait aussi dans sa biographie nouvellement publiée. Bonne fête à vous, que vous soyez maman, grand-maman, belle-maman ou un pilier dans la vie d’un enfant!

Avec sa fille Natacha

Ginette, dans ta biographie, tu as écrit une lettre à ta fille. Je ne savais pas que tu avais eu de la difficulté à tomber enceinte.

Je me suis mariée en 1965 et je l’ai eue en 1968. Robert, mon mari et gérant, ne voulait pas d’enfant. Il espérait que je devienne une grande chanteuse internationale. Mais aujourd’hui, nos enfants, il est bien content de les avoir!

Avoir des enfants, c’est un appel, un don de soi. Mais quand on est mère, on fait toujours des compromis. Quand on a une carrière aussi. Est-ce que pour toi ça a été gagnant-gagnant ou perdant-perdant?

Il y a des moments où cela a été perdant-perdant. Être chanteuse, c’est parfois extrêmement difficile parce qu’il y a beaucoup de souffrance là-dedans, comme le fait de devoir laisser la famille derrière soi. Je me souviens d’un jour où j’ai demandé à la gardienne de partir en poussette avec mon enfant car je devais partir en tournée et je ne pouvais pas supporter de lui faire de la peine. Je pleurais, j’étais à genoux. Je n’avais pas aimé la réponse de mon mari, qui m’avait lancé: «C’est normal, ils doivent s’habituer à te voir partir et à te voir revenir.»

Je ne m’y suis pas habituée, car j’ai commencé à acheter des cadeaux pendant mes tournées pour leur offrir à mon retour. Des skateboards, les choses les plus extravagantes… Je me sentais si coupable que j’arrivais avec des valises de cadeaux. C’était épouvantable. Mais un moment donné, j’ai arrêté car c’est la valise et non la mère qu’ils attendaient!

Mais c’est ton langage d’amour, les cadeaux. Et quand on aime donner des cadeaux, on aime aussi en recevoir. Qu’est-ce que tes enfants t’offrent à la fête des Mères?

Longue pause. Ginette sourit.

Ma fille Natacha va me recevoir chez elle. Elle m’offre beaucoup de choses qu’elle crée de ses mains, car elle fait de l’artisanat.

Le téléphone sonne.

Ah c’est drôle, mon fils m’appelle en ce moment!

Mes enfants ne sont pas des donneux de cadeaux. Ils me disaient souvent que je n’avais pas besoin de cadeaux car je pouvais m’acheter ce que je voulais. Mais encore, ils vont m’en donner quand ce n’est pas le temps ou quand je ne m’y attends pas. Mais tu sais, je n’ai pas besoin de la fête des Mères ou de Noël. Pour moi, ça peut être le jour de l’An à tous les jours.

Mais la fête des Mères, ça arrive une fois par année! En tant que mère, on a la culpabilité de ne jamais donner «assez». Surtout quand on travaille, notre culpabilité est doublée et ne sera jamais compensée. Ce n’est souvent que plus tard, quand les enfants ont des enfants que l’on reçoit enfin ce que l’on a toujours désiré: se faire dire merci

Mes enfants me disent plutôt que je suis instable et folle! Elle rit. Mais c’est correct, c’est ça que je suis. En fait, c’est plutôt que je suis intense. Ma mère était bipolaire. Je le suis aussi, mais de type 2. (Ce type de bipolarité alterne les épisodes d’hypomanie, une forme atténuée d’excitation maniaque, et de dépression sévère, entrecoupés de périodes sans hypomanie et dépression).

Tes enfants se sont adaptés à ta vie ou c’est toi qui t’es adaptée à la leur?

Je pense que, maintenant, je me suis adaptée à la leur. Et comme il y a deux personnes en moi, la «Ginette» et la «Reno»… Ginette, elle, ne veut rien recevoir. La Reno, elle veut tout. C’est un paradoxe énorme.

Des fois, je me demande à quel point mes enfants me connaissent. Mais ce que je souhaite pour la fête des Mères, c’est qu’ils commencent à comprendre que je suis vraiment une bonne personne. Que je ne leur ai jamais voulu de mal, que je les ai désirés ardemment. Avoir des enfants est ce que j’ai voulu le plus au monde. C’est pour cela que je me suis fait soigner. J’ai joué un sale tour à Robert parce que dans le temps, il n’en voulait pas.

Avec sa fille Natacha

 

Avec Natacha et Robert Watier

Et là, je lui ai dit que j’attendais un enfant. Il m’a répondu que je devais faire une désintox sinon je perdrais mon enfant.

Il faut parler d’un sujet que tu abordes dans le livre et qui m’a vraiment surprise. Le fait que tu as pris des amphétamines avant ta première grossesse et que tu crois que cela a eu un effet sur la santé de ton bébé. Premièrement, je dois te dire que cela prend beaucoup de courage pour avouer quelque chose comme ça.

Le Dr Ostiguy, qui me les avait prescrites, ne m’avait jamais dit ce que c’était vraiment. Des coupe-faim, pour perdre du poids. Je ne savais pas que c’était de la drogue. Des amphétamines, c’est de la drogue. C’était tellement fort que quand un médecin m’a conseillé de les arrêter, cela m’a rendue très malade. J’ai commencé à faire de la fièvre et suis devenue comme «légume». Réalisant que j’étais vraiment accro et que je n’allais pas bien, le médecin m’a ordonné d’en prendre trois tout de suite, maintenant. Et là, je lui ai dit que j’attendais un enfant. Il m’a répondu que je devais faire une désintox sinon je perdrais mon enfant. Je lui ai demandé si je pouvais diminuer tranquillement. Il m’a dit que oui, ce que j’ai fait. Mais j’ai mis trois ans à me remettre psychologiquement de cette désintox. Je n’avais plus de sentiments, je n’avais plus d’émotions. J’étais complètement vide. Et ma fille a eu des séquelles de cette prise d’amphétamines. Elle a régurgité pendant ses premières années. Et je lui changeais la couche vingt fois par jour. Mais elle est encore là, aujourd’hui, bien en vie!

Mais c’est très grave ce qui vous est arrivé. Hier comme aujourd’hui, il faut parler de cette pression qu’ont les femmes d’être minces. Avant et après la venue d’un enfant. Maintenant, il y a quand même de l’information qui circule, mais dans le temps, pas mal moins. Et ça a eu un impact sur ta maternité, sur votre santé. C’est bien que tu en parles.

Parlant maternité, j’ai aussi eu autre chose dont il faut parler: le syndrôme de Stein Leventhal (le syndrome des ovaires polykystiques). Je pense qu’il y a beaucoup de femmes qui en souffrent. Plus jeune, j’étais menstruée deux fois par mois. Mais après la naissance de Pascalin, je n’avais plus mes règles. Je ne dormais plus du tout. J’ai trouvé un médecin qui était avant-gardiste. Je ne pouvais avoir de rendez-vous avec lui avant un an et demi, mais sa réceptionniste m’a dit qu’il donnait une conférence à Sherbrooke, si ma mémoire est bonne. Elle m’a dit de poser mes questions à la période de questions à la fin de la conférence. Je m’y suis rendue. J’avais un peu honte mais je me suis dit que je devais me sauver la vie. Alors, quand j’ai exposé au spécialiste mes symptômes, il m’a répondu: «Venez me voir à mon bureau lundi matin à huit heures!»

Il m’a donné de la médication avec de la cortisone et j’ai détesté l’effet sur moi – je les ai jetés aux poubelles. Mais je souffrais énormément. Un jour, il m’a appelée pour me demander comment j’allais. Je lui ai répondu que j’attendais la mort. Il m’a alors demandé de me rendre à son bureau immédiatement. Je lui ai demandé pourquoi il m’avait appellée ce matin-là et il m’a dit qu’il y avait une filière qui était tombée par terre et qu’un dossier était resté sur le plancher, le mien! On a travaillé ensemble et il a été capable de faire revenir mes menstruations. J’ai été menstruée pendant trois mois! Plus jeune, j’étais menstruée deux fois par semaine. Puis, plus du tout, et enfin, pendant trois mois!!!! Mais par la suite, avec l’aide du médecin, j’ai été régulière, aux 28 jours jusqu’à mes 52 ans.

Mais te rends-tu compte à quel point tu as souffert? À quel point tu donnais tout, autant à tes enfants qu’à ton public! Quelles répercussions ça a eu sur toi?

Il y a deux manières de le voir. Moi, j’ai demandé la grande délivrance à la vie. Je pense que je l’ai eue, même si ça a pris du temps. Au départ, je cherchais beaucoup l’amour. Aujourd’hui, je veux juste comprendre. Mais je réalise que je n’arriverai jamais à tout comprendre. Ce que je sais est que chaque jour nous amène un certain lot de douleur, d’incertitude, et qu’il y aura toujours un travail sur soi à faire. Vivre dans le présent est ce qui nous amène la conscience.

Plus jeune, j’estime que je n’avais pas cette conscience. Je vivais dans un monde d’illusion. Puisque je venais d’une famille très dysfonctionnelle, je me dissociais. J’allais dans un monde de fantaisie.

Tu n’acceptais pas le fait qu’il y ait de la douleur dans la vie?

Oui. Au début, je trouvais ça moche, la vie. Aujourd’hui, je trouve qu’il n’y a rien de plus beau.

Tant mieux! Tu as été une mère cool. Tu écris que tu parlais même parfois d’éducation sexuelle aux amis de tes adolescents quand ils débarquaient chez toi…

Oui. Je me souviens même qu’une de ces petites filles était battue par son copain. Elle disait: « C’est pas de sa faute. » Je lui répondais qu’elle n’était pas obligée d’encaisser les coups. Il fallait faire quelque chose. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles j’ai une fondation pour les femmes et les enfants violentés. Et c’est à cause de ça et de ce que j’ai vécu.

As-tu été la mère que tu voulais être?

Oui, et plus. Avec les moyens que j’avais, oui. J’ai été une très bonne maman.

C’est excellent car le sentiment de culpabilité ne t’habite pas…

Plus maintenant! Je ne me sens plus coupable. J’ai cessé de me justifier. On ne peut plus m’accuser et je n’ai pas à me défendre. T’es pas content? Vas t’en chercher une autre! (Rires)

Comment tu as fait pour établir ça dans ta vie?

Il faut faire de grandes prises de conscience et faire des bilans. Tous les jours, je m’écris une lettre. J’aimerais d’ailleurs en faire un livre. Dans ces lettres, je me pose des questions. Comment tu vas aujourd’hui? ou Comment tu vas faire pour régler ça? J’écris beaucoup. Des fois, j’écris mes peurs sur trois pages et, à la fin, je réalise que la peur dont je parlais au début, c’est en réalité une bien différente à la fin. C’est plus facile d’aller à la conquête du monde qu’à la conquête de soi.

Est-ce qu’il y a des moments qui t’ont fait accepter la femme et la mère que tu étais?

C’est un lent processus. Quand j’ai fait mes cinq ans au monastère. Quand j’ai eu mon éveil spirituel dans une aile psychiatrique à Roberval… Quand tu comprends tes faiblesses, tes paradoxes, c’est pas plaisant. Surtout quand tu réalises que tu as tel défaut que ta mère avait, c’est difficile à prendre. Tout est dans l’acceptation.

Qu’est-ce que tu te disais que tu ne voulais pas faire comme ta mère?

J’ai essayé de ne pas déchirer la chair comme ma mère faisait. Ma mère était sarcastique, mais d’une mauvaise manière. Ça m’a tellement blessée que je me suis dit que je ne traiterais pas mes enfants comme ça. Je ne suis pas allée avec des mots durs, des mots violents qui déchirent.

On peut être sarcastique, avec humour, sans être méchante…

Je n’ai jamais voulu être méchante.

Alors tu gardais le contrôle?

Ce n’est pas une question de contrôle dans ces cas là, c’est une question d’impuissance. Mais j’ai remarqué que dans mes impuissances, il y avait parfois de la puissance et que je pouvais en sortir vainqueure.

Je l’ai regardée et j’ai pensé: «Bon… Je n’ai jamais donné à manger à un enfant et toi, tu n’as jamais mangé. On commence et on va avoir du fun!»

C’est vrai qu’on se sent souvent impuissant quand on élève des enfants…

La première fois que j’ai commencé à faire manger ma fille Natacha sur sa chaise haute, je me souviens que je me suis assise, je l’ai regardée et j’ai pensé: «Bon… Je n’ai jamais donné à manger à un enfant et toi, tu n’as jamais mangé. On commence et on va avoir du fun!»

As-tu des conseils pour les jeunes mères?

Quand tu as un bébé, c’est naturel, l’amour jaillit. Mais plus tard, tes enfants vont partir. Il va te rester ton homme. Alors tu dois bien distribuer ton attention. J’ai remarqué cela beaucoup chez les jeunes mamans. C’est «bébé bébé bébé»… et le monsieur, paf! Il n’est plus là!

Alors un date night par semaine?  Une soirée réservée à ton couple?

J’ai un couple d’amis qui fait ça. Et même si la sexualité a ralenti un peu. Ils me disent: «Ce soir-là, on fait juste ce qu’on aime. On écoute de la musique, on danse, on se fait un bon repas et on fait l’amour! C’est à nous deux, ça nous appartient.» Je me suis dit que c’était too much et que j’allais peut-être essayer ça : )

Ah! Ah! Penses-tu que ça aurait changé quelque chose avec ton Robert?

J’ai essayé bien des affaires. Il y a des choses qui ont marché, d’autres qui marchaient moins…

C’est grâce à ton expérience que tu as été capable de donner autant. Merci de nous avoir offert ces belles minutes. On n’est pas tes enfants, mais on t’aime beaucoup quand même!

La biographie de Ginette Reno et son disque sont disponibles sur son site.

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