Ce n’est pas un secret… j’aime Ingrid Falaise d’amour. Vous l’aimez d’amour. Et aujourd’hui, après toutes les épreuves qu’elle a vécues, Ingrid est fière de pouvoir dire qu’elle aime la femme forte qu’elle est devenue. Elle s’aime d’amour!
Des ailes, ça repousse! La plus belle preuve? Après avoir vécu l’horreur de la violence conjugale, Ingrid s’est battue pour s’extirper de l’enfer et des mains de M. Dans Le Monstre – La Suite, elle raconte le chemin de la reconstruction, une interminable marche empreinte d’abus, d’autodestruction
et de déni qu’elle a emprunté afin de revoir enfin la lumière.
Cette suite du récit à succès Le Monstre (qui a été vendu à plus de 55 000 exemplaires au Québec, mais qui a aussi été publié en France, en Suisse, en Belgique et traduit en polonais) raconte de quelle façon elle a osé emprunter la voie de la vulnérabilité et de l’entière liberté pour aimer de nouveau… Enceinte de son premier enfant, qui devrait se pointer la binette bientôt, et mariée à l’homme de ses rêves, Ingrid boucle la boucle avec ce deuxième livre autobiographique.
Et by the way, regardez-lui le smile…
Ingrid, as-tu encore peur que M débarque dans ta vie à tout moment?
Peur? Non… Oui… Non… Je ne sais pas… Je ne sais pas comment répondre. Je n’y pense pas, mais des fois, ça remonte. Comme là, les cauchemars ont arrêté, suite à l’écriture du premier livre. Et ça, je le décris dans Le Monstre – La suite. C’est parce que j’ai brisé le silence et briser le silence, ça sort toutes les boules d’émotions jusqu’à temps que tu n’en aies plus et jusqu’à ce que ton histoire ne t’appartienne plus. C’est ça, la guérison… C’est ça, briser le silence, briser le silence avec les autres… et les autres, quand ils ont brisé le silence avec moi, ça guérit. Des crises d’angoisse, j’en faisais beaucoup moins. Mon chum a dû assister à des crises d’angoisse, à des cauchemars à devoir tordre le lit tellement que je me réveillais en pleine nuit, trempée de la tête aux pieds. En extirpant mon mal, en l’écrivant… Je n’avais plus de cauchemars, mais en écrivant le deuxième livre, je me rappelle d’en avoir fait un. J’en ai parlé avec Cédrik, parce que je me suis réveillée pendant la nuit et parce que oui, c’est sûr que tu penses à ça, tu repenses à lui, sa voix… Je ne sais pas si tu as vu la vidéo publiée sur Facebook et Instagram… mais la voix de M, bien c’était une voix omniprésente. En l’écrivant, j’ai réentendu sa voix. Oui, parfois, j’ai peur que le téléphone sonne et que ça soit lui qui me traite de pute et de salope, et qu’il me dise qu’il veut me tuer. On demeure toujours avec ça, mais en même temps, je m’en fous… Il ne me touchera plus jamais. Je suis entourée. Il n’a plus aucune emprise sur moi maintenant et il n’a plus le droit de revenir au Canada!
Le Monstre – La Suite raconte ton chemin de la reconstruction (14 années pour te reconstruire). Tu dis que pour sortir de l’enfer, tu as dû toucher le fond. Le fond tu l’as atteint à coups de dépendances et d’actes d’autosabotage qui t’ont épuisée… est-ce que tu peux m’en parler?
Avant de pouvoir revoir la lumière… tu sais, quand tu sors d’une relation comme ça, quand tu sors d’une relation toxique, quand tu sors d’abus, tu n’as plus aucune valeur. Tu n’as plus aucune estime de toi… Tu ne vaux rien, tu ne mérites rien! Manger une toast le matin, j’avais le shake juste pour te dire… parce que M m’a tellement lancé d’assiettes par la tête, car les toasts étaient trop brûlées à son goût ou pas assez cuites. C’est comme ça que ça se passe… Et quand on sort de la situation malsaine, on pense que par magie tout va se placer. Mais non, on est devenue une autre personne, on ne vaut plus rien à nos yeux… D’ailleurs, quand je suis arrivée chez mes parents, parce que c’est le détective qui est venu me chercher et il m’a emmenée dans une voiture, qui était finalement conduite par mon père, mes parents m’ont ramenée à la maison. Et là, c’était trop d’amour… parce que j’ai tellement été sevrée d’amour avec M! Il m’en donnait, il me l’enlevait, il me donnait de l’amour, il me l’enlevait… il jouait avec moi. Comme je disais dans mon premier livre Le Monstre, j’appelais ça «gifle, gifle, bisou»: c’était toujours comme ça avec lui! Il jouait avec cet amour-là et réussissait à me manipuler. Ma mère et mon père, c’était alors comme trop d’amour une fois rendue chez eux… alors ça me brûlait, c’était trop! Trop d’empathie, trop de regards, trop de sécurité, trop de protection.
J’ai tout fait. J’étais tellement en colère et je ne savais pas comment vivre cette colère-là. J’avais tellement de peine, tellement de deuil, alors ce qui s’est passé, c’est que l’automutilation est entrée en ligne de compte: stigmatiser ma peau, prendre un couteau et me taillader les poignets. J’avais plein de marques tout le temps, tout le temps. Dieu merci, il m’en reste à peine aujourd’hui (Ingrid se regarde les poignets). Je me coupais… et il y a plein de petites filles aujourd’hui qui m’envoient des photos d’elles coupées… Parce que comme ça, tu ne touches pas à ta vraie souffrance et tu te fais souffrir de d’autres façons pour ne pas entrer en contact avec ta vraie souffrance. Donc, après ça, j’ai touché à la drogue. Je suis tombée dans la cocaïne solide, oui… et mes parents ont découvert ça en lisant Le Monstre – La suite! J’ai dû leur avouer (rires), j’étais super gênée! Mais oui, je suis tombée dans la coke, dans la boisson… Tu te gèles! Ce sont des fuites de plein de façons différentes. Justement, l’autosabotage, c’est ça… C’est aussi quand tout prospect, tout homme qui pouvait potentiellement être un chum magnifique, aimant et attentionné, bien je les faisais suer… Je les renvoyais du revers de la main, je jouais avec leurs émotions, je devenais un mur de glace, je me «zippais» pour que personne ne puisse atteindre ma vulnérabilité. Parce qu’être vulnérable égale danger! Je mettais des masques non-stop, tout le temps. Au travail, j’étais la fille la plus gentille, la plus aimante… Je jouais dans la série Virginie et je n’étais pas capable de dire non. Il y a même un acteur à un moment donné qui m’avait humiliée devant tout le monde (je décris la scène dans le livre) et j’ai baissé la tête au lieu de la remonter, parce que je ne savais pas comment me tenir droite et fière… jusqu’au jour où je suis tombée solide. À force d’avoir des masques encore et encore, tu ne sais plus… tu n’as plus d’identité. Et un moment donné, c’est un trop plein… et tu tombes en dépression. Quand tu ne guéris pas tes blessures, quand tu ne vas pas les revisiter, c’est inévitable qu’un jour, la dépression ou le burn-out vienne cogner à ta porte. Et c’est ça qui est arrivé. Dieu merci, je suis allée en thérapie fermée, en retraite. C’est à partir de ce moment-là que j’ai pu reconnecter avec ma souffrance et commencer la guérison.
Quel a été l’élément déclencheur pour vouloir retrouver le bien-être?
C’était en été… En fait, après toutes ces années-là d’autodestruction, je me suis réfugiée dans le travail. Je travaillais sans arrêt et dès que j’avais une pause de Virginie, j’avais un autre job, je travaillais sur autre chose. Je me tuais dans le travail… j’étais dans la boulimie du travail. Un moment donné, un matin, c’était une pause d’été de Virginie, et je n’avais pas d’autre travail… En fait, j’avais un autre travail, mais je n’ai pas été capable de me lever ce matin-là. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait; je voulais juste être dans mon lit à brailler matin, midi, soir, les rideaux tirés. Je n’arrivais même pas à me laver, à me lever. C’est à partir de ce moment-là que ma mère m’a dit: «J’ai un rendez-vous avec ma thérapeute… Prends-le donc à ma place». J’ai dit oui à ça, et une chance! J’ai réussi à me rendre dans mon auto, à conduire jusqu’à Longueuil, et c’est elle qui m’a dit: «On a une retraite fermée qui s’en vient. Inscris-toi». Ça coûtait la peau des fesses! Elle m’a dit: «Fais-toi ce cadeau-là»! Je suis rentrée en thérapie.
Tu as réussi à trouver ton équilibre… De quoi est-il fait?
(Rires) De SunChips et d’olives (ndlr: on en mangeait pendant l’entrevue)! Mon équilibre, c’est drôle, c’est écrit dans ma bague… Il y a le mot équilibre! C’est la chose la plus importante… Respect, honneur, amour, équilibre. Ce sont mes mots. Parce que mon équilibre est fait de tout, mais bien dosé… Il est fait de chips, mais pas du sac au complet! Il est fait d’un petit bol, tu comprends? À part, l’amour, là… L’amour, il y en a en abondance! Mais il est fait, oui, de petites peines, mais pas de grosses déprimes. Il n’y a plus de non-dits. Mon équilibre existe parce que maintenant je m’exprime. Je brise le silence. Mon chum et moi, on voit une thérapeute ensemble depuis nos débuts. J’y vais une fois, il y va une fois, et on y va une fois ensemble. Et ça, c’est le plus beau cadeau qu’on s’est donné… on est fiers de le dire, parce qu’on sort de là et on se fait un gros high five! Il n’y a pas d’accumulation! Et parfois on y va, on jase de belles affaires, mais on se rend compte où on est rendus et on se tape dans la mite, t’sais! Mais mon équilibre est fait aussi de sport, mais pas à l’extrême. Avant, j’étais sportive, mais j’allais 6 fois par semaine au gym, pendant une heure et demi à chaque fois. Je ne mangeais rien pendant la journée, tout était calculé et pesé. C’était l’enfer! Là, ce n’est plus ça. Mon équilibre est justement dans la nourriture. C’est aussi dans le sport, mais tout est équilibré. Il n’y a plus de up and down… Il y a l’équilibre des vacances, du travail, du temps avec les enfants, du temps avec mon chum. Mon équilibre est fait de tout ça. C’est une belle question que tu m’as posée!
Ton mari, c’est un peu ton roc, ton confident, ta tendre moitié… Quelle place a-t-il dans ce livre?
Mon chum a toute la place du monde dans mon livre! Il a été là dans Le Monstre, le premier, et il a été là dans le deuxième; il m’a supportée, il m’a écoutée. Mais dans le dernier livre, c’est toute la fin. Tout le plus beau. Toute la reconstruction, le bonheur! Parce que le 3/4 de mon livre, c’est dark. La fin, toute la fin, c’est mon chum. C’est mon chum, moi et nos enfants. C’est la lumière. C’est super beau. Je lui fais un bel hommage dans mon livre, et c’est le seul nom qui n’est pas changé. À part mon fils Émil. Tous les autres noms sont changés; les noms de mes amis, les noms de mes soeurs… C’était important pour les préserver, et on ne les connaît pas, t’sais, mais Cédrik est tout le temps avec moi partout. On est tout le temps ensemble, on est des inséparables et on est en fusion, mais équilibrés. Pour moi et pour le public, je pense que c’est important que je l’appelle par son propre prénom.
Tu dédies ce livre à ton fils…
Ça, on le sait juste à la fin du livre. Dans le prologue aussi, au début, on sait que je l’écris pour lui, que je lui dédie… Mais je l’écris aussi pour moi. Pour qu’on puisse vivre sainement ensemble et que maman soit libérée, que j’aie fait le tour de ces blessures-là, et surtout pour ne pas lui transmettre (il vient de me donner un coup de pied en lui disant ça).
Est-ce que c’est quelque chose que tu redoutes, de devoir parler de ton histoire à ton fils, dans le futur?
Non, pas du tout. J’ai la chance d’élever un garçon à qui je vais inculquer le respect, le respect de soi, des femmes, des autres. Je vais le faire au mieux de mes capacités, sans non plus être gossante… Je veux être en équilibre! J’ai la chance de faire ça. Un jour, je vais peut-être lui présenter mes deux livres, si c’est nécessaire. Il va peut-être les découvrir par lui-même, je vais peut-être lui en parler… Je verrai à ce moment-là aussi, comment il va être, avec sa personnalité et tout. Il risque tout de même de le savoir et c’est sûr que je vais lui en parler un jour… Mais là, il n’est même pas né encore (rires)!
Mon fils, c’est ma plus grande histoire. C’est la plus belle chose au monde. Je n’ai jamais été autant sur mon X. C’est aussi grâce à l’écriture de ce livre-là, le premier et la suite, que j’ai pu tomber enceinte, que j’ai pu arrêter de me mentir à moi-même, et d’ouvrir la porte à cette opportunité-là et à ce désir-là qui s’est pointé le bout du nez. Je me sentais valable d’avoir un enfant et je me suis réapproprié ma valeur. Et ça, c’est hot (j’en parle à la fin du livre)!!!
C’est drôle, parce qu’Emile, c’est une série suédoise que j’écoutais tout le temps quand j’étais petite. Le petit se mettait tout le temps dans le trouble et c’est un petit blond… Il y a aussi des livres pour enfants qui ont été écrits. Je pense que c’est de la même auteure que Fifi Brindacier! Bref, Emile, ça a fait partie de ma vie depuis toujours. Je veux dire, c’est aussi un nom qui se dit très bien en suédois et c’est un nom doux. Maël, Ilann (les enfants de mon chum) et Émil, ça se dit bien! Émil, c’est comme le seul nom qui nous venait en tête, et le grand-père de mon chum s’appelle Paul-Émile! Je voulais l’appeler comme ça, mais mon chum préférait Émil! Mon arrière-grand-père s’appelait Émil aussi. Bref, c’était le nom prédestiné. En plus, je pensais avoir une fille et non un garçon… mais quand j’ai vu la première échographie, la toute première, je regardais l’écho et on ne voyait pas, il ne nous disait pas quel était le sexe… et j’ai crié: «Ahhh! J’ai un fils dans mon ventre»! J’ai su au moment où j’ai vu l’échographie. Je savais! C’était mon fils! C’est fou, hein! Ça a été confirmé peu de temps après.
Le Monstre – La Suite est publié chez Libre Expression (disponible ici)!
Ingrid est stylée par Isabelle Gauvin Styliste, elle porte les bijoux Lost & Faune et des bottillons Rubinos shoes.