«Elle est émotive, il est pragmatique. Ensemble, ils forment un couple amoureux et complice. Mais leur bonheur est mis à l’épreuve le jour où ils entreprennent une nouvelle étape de leur vie à deux: celle de fonder une famille. Après plusieurs essais infructueux, ils se tournent vers les traitements de fertilité. Teintées par leurs perceptions très différentes des choses, leurs péripéties nous offrent un coup d’oeil plein de sensibilité et d’humour sur un sujet délicat, trop souvent tabou.»
Pendant deux ans, India Desjardins et son amoureux Olivier Bernard (Olivier le Pharmachien pour les intimes!) ont essayé de fonder une famille. Dans leur quête ardue afin de mettre au monde un petit bébé, le couple sera passé par plusieurs montagnes russes et aura finalement eu recours à des traitements de fertilité. Ayant découvert que le processus de fertilité est un sujet aussi sensible que tabou, India a décidé d’écrire un livre humoristique et plein de tendresse, qu’elle aurait voulu lire dans cette période où il est assez facile de se sentir isolé. Une bande-dessinée pour toutes les personnes qui sont passées par là ou qui feront face à cette situation dans le futur!
India, premièrement, ta bande-dessinée Ma vie avec un scientifique – la fertilité est le premier tome d’une collection?
Oui! En fait, c’était clair pour moi que je voulais traiter du sujet de la fertilité. Mais, j’avais juste «Ma vie avec un scientifique» en tête, je n’arrivais pas à trouver un titre spécifique pour parler de fertilité. C’était vraiment un point de vue personnel, de la dynamique de vie que j’ai avec Olivier, alors c’est pour ça que j’ai mis un sous-titre. Je me suis dit que ça allait nous donner, Bach (celle qui a illustré le livre) et moi, une ouverture pour une suite. On a adoré travailler ensemble!
C’était la première fois que tu travaillais avec elle?
Oui! On s’est rencontrées dans un salon du livre et les deux, on s’est avouées un peu un amour mutuel (rires). On s’est dit qu’on aimerait travailler ensemble sur un projet un jour ou l’autre. Lorsque j’ai eu l’idée de Ma vie avec un scientifique, je lui en ai parlé et à ce moment-là, elle était dans la même situation que moi: elle essayait d’avoir un enfant et ça ne fonctionnait pas! D’ailleurs, il y a quelques anecdotes qui sont inspirées de sa vie à elle… donc, les deux, on avait ça en commun, mais pour elle, ça s’est bien fini… elle a finalement eu un enfant.
D’où t’est venu l’idée de la BD?
Olivier et moi, on a traversé un processus de fertilité très ardu… Dans mon entourage, tout le monde qui a eu des enfants, c’est arrivé presque du premier coup. J’étais donc certaine que ça allait être comme ça aussi pour nous. Avec le temps, on voyait que ce n’était malheureusement pas le cas. Début quarantaine, pour avoir des enfants, ça commence à être un peu plus difficile… après quelques mois, on nous a conseillé de consulter assez rapidement en clinique de fertilité. Il faut savoir qu’en 2005, j’ai eu une embolie pulmonaire à cause de la pilule anticonceptionnelle et en 2017, j’ai eu une thrombophlébite à cause des traitements de fertilité… En fait, je ne voudrais pas critiquer le processus de fertilité parce que moi j’ai une condition qui fait que je fais des caillots à cause des médicaments.
La BD, en fait, c’est arrivé pendant le processus! Je trouvais ça difficile de parler de tout ça à des gens autour de moi. Quand tu es célibataire, tu peux parler de ton célibat à plein d’amies qui l’ont vécu, tu peux aller prendre un verre avec elles et leur jaser, mais c’est totalement différent quand tu parles d’infertilité… On s’est rendu compte que ça créait un malaise, que les gens ne savaient pas quoi dire. On ne savait pas trop à qui se confier parce que soit ça incommodait les gens, soit ils l’avaient vécu aussi et ne souhaitaient pas en parler… En même temps, je les comprends! C’est un peu normal que tu ne désires pas en parler parce que ça vient chercher des émotions au plus profond de toi-même et ça te rappelle par quoi tu as dû passer, toutes les difficultés que tu as dû surmonter. C’est rare, dans la vie, les projets sur lesquels on n’a pas de contrôle. On a trouvé ça difficile, Olivier et moi, on se sentait très isolés, on ne savait pas trop à qui en parler. En plus, je me disais, pendant ce temps-là, que j’aurais aimé lire quelque chose où j’aurais pu me reconnaître: pas lire un livre d’informations, parce que t’sais quand tu es dans le processus de fertilité, tu n’as pas besoin de lire de l’information parce que tu détiens TOUTE l’information. J’avais le goût de voir des scènes drôles et de me reconnaître avec mon chum dans ce qu’on vivait. Aussi, puisque tu ne sais pas nécessairement comment en parler aux autres, je me disais que ça serait le fun de créer un genre d’introduction à cette discussion-là, et c’est comme ça que j’ai eu l’idée de cette BD-là. Mon but, c’était vraiment de parler du sujet de l’infertilité, mais d’essayer de le faire avec humour: moi, ce qui m’a vraiment marquée, c’est lorsque j’étais dans la salle d’attente de la clinique de fertilité et que j’entendais uniquement de la musique triste qui jouait («I can’t live in this without you»), une chanson après l’autre et une playlist triste… C’est là que mon chum m’a dit: «Que veux-tu qu’ils mettent? We are up all night to get lucky?» On ne s’est pas levés sur les chaises comme dans la BD, mais je l’ai trouvé cute de me dire ça! Je me disais que ça serait le fun que ma BD traîne dans la salle d’attente d’une clinique de fertilité et que quelqu’un qui est écœuré d’entendre la musique triste comme moi, la lise et sourit! C’était ça mon but. J’ai fait la BD que j’aurais aimé lire dans ce processus-là. Par contre, je n’ai pas fait la fin que moi j’ai vécue, j’ai écrit une fin qui donne de l’espoir, parce que quand tu es dans un processus comme ça, tu n’as pas nécessairement le goût de te faire décourager non plus… C’est très difficile parce que tu es dans l’attente à chaque mois, quand finalement tu as tes règles et que tu as de la peine, tu as l’impression d’être assis devant une machine de vidéo poker et tu te dis: «La prochaine fois, ça va payer, la prochaine fois, ça va payer!». Finalement, il y en a pour qui ça finit bien, d’autres non…
Le deuil de la parentalité
D’ailleurs, si je fais un tome 2, j’aimerais ça que mon sujet soit le deuil de la parentalité. Mon défi présentement est de trouver le même angle que pour celui-là, c’est-à-dire de trouver des scènes qui sont souriantes, dans la complicité d’un couple, dans le deuil, mais sans être lourdes. C’est quand même un sujet qui est très difficile et je pense que tous ceux qui veulent des enfants et qui ont à faire un deuil, c’est extrêmement difficile… Et que, encore une fois, ce n’est pas nécessairement facile d’en parler, ce n’est pas nécessairement facile de trouver un angle souriant à ça. Donc, c’est mon défi en ce moment.
À quel point justement la BD est-elle autobiographique?
C’est beaucoup inspiré de ce que j’ai vécu, mais en même temps, lorsqu’il est venu le temps de faire les illustrations, j’ai dit à Estelle (Bach): «À quel point veux-tu que ce soit collé sur la réalité? Moi là, je raconte des anecdotes, je les exagère un peu, donc les dessins… Fais ce que tu veux! Tu n’es pas obligée de me dessiner moi.» Alors le personnage ne me ressemble pas… Le personnage inspiré d’Olivier, lui, lui ressemble plus, mais en même temps, je trouve qu’il n’y a rien qui ressemble plus à un geek qu’un autre geek (rires). Dans le fond, Olivier, son côté pragmatique, je l’aime beaucoup, surtout dans un processus comme ça, qui est très émotif! D’avoir quelqu’un plus terre-à-terre avec soi, ça ramène les choses à la bonne place. Je voulais un peu rendre hommage à ça! C’est peut-être pour cela que je n’ai pas trouvé un autre titre. Donc, c’est inspiré, mais c’est sûr que comme dans n’importe quoi, il y a des choses faites pour animer un gag ou exagérées.
Olivier, comment prend-il ça, que tu sortes un livre qui parle de votre vie?
India: Il est vraiment cool, parce que lorsque je lui ai parlé que je voulais faire ce projet-là, il m’a vraiment laissé libre dans ma créativité. Et ça c’est le fun, parce qu’au départ, Olivier et moi on n’est pas nécessairement dans le même métier… alors que j’utilise notre intimité pour faire un livre, ce n’est pas nécessairement un naturel chez lui, dans sa vie. Mais il est vraiment cool pour ça, il me laisse toute la liberté que j’ai besoin pour mes projets et il m’a aidée pour certaines affaires qui ne sont pas nécessairement arrivées dans le livre, mais pour lesquelles je voulais des lignes pour son personnage «plus scientifiques»! Je lui demandais: «Qu’est-ce que tu dirais dans cette situation-là? Qu’est-ce que le gars scientifique répondrait dans tel contexte, qu’est-ce qui irait bien avec tel gag!?!» C’est un processus qui n’a pas été difficile seulement pour moi, mais pour lui aussi. Les femmes n’ont pas le monopole de la difficulté du processus de fertilité, et je pense que lui aussi trouvait ça important comme sujet, qu’il trouvait ça le fun qu’un livre comme ça puisse exister, parce que je pense que lui aussi aurait aimé ça lire ça pour dédramatiser. Quand il l’a lu, il a ri et il a été ému aussi. Surtout quand il a vu les dessins, ça l’a vraiment touché.
Olivier: Vraiment! Parce que ça a beau ne pas être nous vraiment, il y a quand même beaucoup de nous là-dedans! C’est sûr que ça vient appuyer sur des boutons sensibles… dans le bon sens et le mauvais sens, dans les aspects drôles et difficiles aussi!
Tu rejoins beaucoup de jeunes grâces à tes livres, qui liront d’ailleurs cette nouvelle BD, mais tu vas aller chercher les adultes aussi avec le sujet de la fertilité, c’est ça qui est le fun!
Va essayer de chercher un livre, une comédie sur l’infertilité… ça n’existe pas vraiment! En tout cas, moi je n’en ai pas trouvé, parce que j’en ai cherché! Je pense que ces gens-là, qui ont le besoin que moi j’avais, d’un peu dédramatiser la situation, ben ça peut les intéresser. Et les gens qui savent qu’il y a un couple qui vit ça et qu’ils ne comprennent pas nécessairement ce qu’ils vivent, ça peut être intéressant à lire aussi. Parfois, quand tu pars le projet de fonder une famille, ça peut être intéressant parce que tu te dis que ça n’arrive pas toujours du premier coup! T’sais, un nouveau livre-là… ce n’est pas nécessairement tout le monde qui t’a lue avant qui va continuer à te suivre et te lire par la suite. Je pense que le public, c’est du monde indépendant. Il y a du monde qui a lu La Célibataire, mais qui n’a pas lu les Aurélie Laflamme, et vice-versa. C’est ça qui est le fun avec le fait de faire des projets différents, de suivre son cœur. Je ne me limite pas à ce que les gens connaissent de moi. Je vais vraiment avec mon instinct, avec mon cœur, avec ce que j’ai le goût de raconter. Et je suis super fière de ce projet-là, parce que c’est un sujet que je trouve qui n’est pas souvent abordé et qui gagne à être approfondi. On aborde la maternité, plein de choses comme ça, toutes sortes de sujets sur la maternité, mais pas l’infertilité, et je trouve qu’on devrait en parler plus. Je pense que j’aurais aimé ça avoir plus d’informations quand j’étais plus jeune. Je me suis tout le temps fait dire: «Ahhh, tu peux avoir une carrière, tu peux faire ce que tu veux! Des enfants, tu peux en voir jusqu’à 45 ans!», mais personne ne m’a dit qu’à partir d’un certain moment, ça se peut que je sois obligée d’aller en clinique de fertilité. Et ce processus-là, ce n’est vraiment pas facile. C’est très exigeant physiquement. Je pense que j’aurais aimé ça être mise au courant un peu plus tôt. Je ne sais pas si ça aurait changé mes décisions, mais ça aurait changé ma perception… J’avais la perception que j’avais beaucoup de temps et que ce serait facile! Alors je pense que ça m’aurait ramené à un niveau un peu plus réaliste sur la question. C’est une injustice biologique que nous, les femmes, avons jusqu’à un certain âge pour donner la vie. On est dans notre sommet de fertilité quand on est au cégep! On a envie de plus prendre notre envol à cet âge-là et on a des passions qu’on a envie d’explorer et moi en plus, ça m’a pris du temps avant de trouver ma passion. J’ai été presque 10 ans journaliste avant de savoir que je voulais écrire des romans. Parfois, je me sens en retard par rapport aux gens de mon âge ou même des fois par rapport aux gens de 30 ans. Présentement, j’ai 41 ans, et parfois je les regarde: ils ont une maison, deux enfants… et je suis comme «OMG, moi j’étais où à 30 ans?» J’étais en train de faire de la simplicité volontaire pour écrire des livres! J’habitais dans un appart loué qui coûtait pas cher! Je ne m’achetais pas de linge et tout ça! Imagine… une maison et tout, je n’étais pas là pentoute (rires)! Je pense que c’est important d’en parler parce qu’on préconise beaucoup, on dit beaucoup aux femmes qu’elles ont le temps, et je pense que plus on va en parler, plus ça va être facile de prendre des décisions éclairées face à ce sujet-là.
Avec ta nouvelle BD, on risque de continuer à te poser beaucoup de questions sur les tapis rouges sur ta vie personnelle…
En fait, ce qui est pratique avec mon livre, c’est que probablement que les gens vont arrêter de me poser la question «pis les enfants?». Parce que c’est sûr que quand tu te fais demander ça et que tu es en train de vivre un deuil de la parentalité, ça peut être un peu difficile, et tu ne sais pas quoi dire! Tu es dans un deuil, mais peut-être que tu te gardes un peu d’espoir… Ça devient difficile à répondre! Alors tu dis «Ah peut-être un jour!», mais tu ne sais pas trop quoi répondre. Je suis quelqu’un de transparent, je n’ai jamais menti sur qui je suis et sur ma vie, alors parfois c’est difficile dans des sujets comme ça, qui sont trop compliqués à répondre pour une fraction de secondes sur un tapis rouge…
Ma vie avec un scientifique – La fertilité est disponible dès maintenant en librairies (19,95$)!
Pssst! India ne fera pas de lancement, elle préfère rencontrer ses fans dans les multiples salons du livre!