Chaque fois que l’été tire à sa fin, entre la nostalgie précoce de juillet révolu et la sourde appréhension de novembre à venir, je me console un tantinet en pensant au raz-de-marée de nouveautés qui chaque automne inonde les librairies. Par-delà les parutions attendues et les succès garantis, j’aime particulièrement tendre l’œil aux premiers romans ainsi qu’à ceux d’auteurs et d’autrices en train de s’établir durablement dans le paysage littéraire qui est le nôtre.
J’ai ainsi très hâte de placer sous mes pupilles le prochain roman de Kevin Lambert, Que notre joie demeure, qui met en scène une architecte de renommée internationale dont l’étoile pâlit suite au dévoilement d’un projet ambitieux, le tout sur fond de remise en question du capitalisme (rien de moins !).
Daddy Issues, premier roman d’Elizabeth Lemay, accouche d’un regard neuf, honnête et dérangeant sur l’amour d’une femme éprise d’un homme marié occupant le temps passé sans lui à lire Sagan, Duras et surtout Aquin tout en tergiversant sur les aspects ontologiques de son malheur.
Une autre primoromancière qui me semble vouée à casser la baraque est Sara Robinson, dont le roman L’angoisse d’être à jeûn propose une relecture hallucinée de la mythologie associée au Notre-Dame-de-Paris de Hugo, où Esmeralda prend la forme d’une barmaid toxicomane ayant maille à partir avec la faune bigarrée du Vieux-Hull.
Sur une note plus sobre (quoique…), Sombre est la nuit, de la grande Brigitte Haentjens, raconte sous forme de dialogue avec un psychanalyste l’effondrement progressif d’un couple de psychiatres soixante-huitards dont la moitié masculine a peu à peu sombré dans l’alcoolisme, fracassant au passage à la fois la vie d’une femme et les idéaux révolutionnaires de toute une génération.
Enfin, avec la bonne brique que constitue Les marins ne savent pas nager, Dominique Scali, à la manière des feuilletons truffés de péripéties de l’âge d’or du roman d’aventure, a su fournir le décor et la matière aux dépaysements souhaitables que la littérature sait procurer quand l’imagination rencontre le savoir-faire.
Vos librairies indépendantes fourmilleront de nouveautés cet automne. Poussez la porte de l’une d’entre elles, je vous promets que vous ne le regretterez pas!
Ces suggestions de lecture sont celles de Philippe Fortin, libraire à la Librairie Marie-Laura de Jonquière.