J’ai longtemps négligé tout ce qui était soin de beauté. Je me trouvais comme une noblesse dans cette négligence, me disant que je n’avais pas le temps pour ça. Et surtout pas l’argent.
Full disclosure, j’ai longtemps pas eu l’argent parce que toutes mes paies passaient dans la boisson – pas très glamour ni brave, mais c’est le but ici, de me déclarer, toute démaquillée d’artifices.
Mon visage bon marché
Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, je révélais à mon entourage interloqué que je me lavais la face avec du savon à vaisselle, qui était aussi mon démaquillant et savon à mains. J’allais de temps en temps me faire poser des ongles au gel, mais comme je n’en prenais pas soin, il n’était pas rare, quand on me croisait à l’orée d’un bar où j’allais journalièrement me décrisser, que je n’en aie plus que six ou sept sur mes dix doigts.
Mais ce n’était pas que l’emprise de l’alcool qui avait cet effet sur moi. Il y avait comme une intangible lourdeur, en moi, qui me chuchotait que je ne les méritais pas, les douceurs de la vie.
Non, je ne le vaux pas bien
Payer pour un massage. Aller au spa. De la crème pour la face, de la vraie. Un masque capillaire. Une huile pour cuticules. Un gua sha en acier inoxydable. Un sérum pour le contour des yeux. Une huile à lèvres. Un exfoliant vitaminé. Un gel douche d’une autre marque que le Softsoap en spécial, même à juste deux ou trois dollars plus cher. De l’argent par les fenêtres. «Je ne vaux pas ça, voyons donc. Du gaspillage.»
Être perméable au soin de soi
Il s’est passé pour moi quelque chose dans les cinq dernières années: un apprentissage. Doublement confrontée à moi-même, d’abord avec le confinement prolongé de la pandémie et mon rétablissement en sobriété, j’ai dû, en pleine trentaine, me revirer de bord comme un gant pour apprivoiser la personne que je devenais. Et j’étais en train de devenir une personne qui, pour la première fois de sa vie, voulait prendre soin d’elle.

Ce que j’ai appris
Ça a commencé par des petits masques en feuilles de la pharmacie. En dépliant cette espèce de masque gélatineux qui sentait bon l’aloès et le hall d’hôtel luxueux, je me suis sentie comme… précieuse. Comme quelque chose ou quelqu’un qui valait le temps d’investissement. Je me suis alors vue comme un projet. Une demeure longtemps négligée, qui méritait doucement ses rénos.
Et ce n’est pas tant dans les soins qu’on choisit pour soi que dans la routine de ceux-ci qu’il se produit comme une magie du rituel. Quelque chose se passe, plus grandement qu’une peau repulpée.
Il y a comme un calme qui s’installe dans le mouvement de nos mains, qui pour quelques minutes au courant de la journée, ne s’occupent que de nous.
Massage lymphatique, huilage des cheveux, soins des sourcils, des cils, pédicures, exfoliation… De l’extérieur, ça peut sembler éreintant. Et je n’ai pas starté tout ça en même temps. J’ai développé un genre de menu à la carte, composé de ce qui m’enchante de faire et qui ne m’est pas une corvée. Je n’avais pas tant de but au départ, autre que celui d’essayer de faire quelque chose de gentil pour moi.
Les changements

Une métamorphose. Bon, j’exagère. Mais, quand je regarde des photos d’avant, il y a certainement des changements qui vont au-delà du physique, des cheveux plus lustrés que mêlés, des cils plus recourbés que mal démaquillés. Les «produits» de beauté ont une portée réelle, mais limitée, par rapport à «l’action de se porter soin».
Dans le reflet du miroir, je vois maintenant le regard d’une femme qui ne se laisse plus tomber ni passer en dernier.
Parce que j’ai gardé jusqu’ici cette promesse que je me suis faite, de ne plus m’abandonner à la dérive de la négligence qu’on a pu s’imposer en voulant se faire violence.
De l’autre côté, on devient pour soi comme une amie. Une amie qui connaît notre type de peau et notre préférence pour le petit pot avec acide hyaluronique ou avec vitamine C dedans. Et pas besoin de se pogner la crème la plus chère de la tablette pour ça.
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réfléchir et se divertir
The Substance (2024), de Coralie Fargeat, avec Demi Moore et Margaret Qualley. Un conte d’horreur (pour public averti) sur la quête de la beauté et de la jeunesse, dans un monde injuste qui tasse les femmes comme si elles avaient une date de péremption. Visuellement choquant par moments, mais une fable moderne très pertinente.
La fameuse Femme-Québec (2024), mon dernier livre, est une pièce de théâtre publiée à L’instant même qui raconte l’entrevue d’une femme artiste oubliée du showbiz québécois des années 60-70 ramenée sous les projecteurs pour un pilote de télévision par une millénariale féministe et une jeune personnalité Gen Z vedette des réseaux sociaux.
Death Becomes Her (1992), de Robert Zemeckis, avec Goldie Hawn, Meryl Streep et Bruce Willis. Un classique! Peut-être précurseure du film The Substance ou bien de la vague d’Ozempic, cette comédie surréaliste raconte l’histoire de deux «frenemies» prêtes à tout pour rester belles, même avaler un élixir mortel… Trop de scènes iconiques pour les nommer!