La révolution psychédélique est à nos portes. On dit qu’à partir d’aujourd’hui, le monde de la santé mentale ne sera plus jamais le même. La récente série télé Nine Perfect Strangers mettant en vedette Nicole Kidman, signale cette tendance. On y présente de façon satirique l’histoire de clients d’un centre de bien-être californien traités avec des drogues psychédéliques pour venir à bout de leurs traumatismes. Bien que la série soit fantaisiste, elle présente tout de même le potentiel de la thérapie par microdosage. Après le cannabis, pourrions-nous penser légaliser d’autres drogues à des fins médicales?
La question se pose, car certaines drogues comme la psilocybine (l’ingrédient actif des champignons magiques) et la MDMA (mieux connue sous le nom d’ecstasy), sont la pierre angulaire d’un domaine en pleine expansion que l’on appelle « la médecine psychédélique. » Les scientifiques, les médecins et même les investisseurs de Wall Street prétendent que ce n’est qu’une question de temps avant que ces substances psychoactives soient légalisées et largement acceptées à des fins thérapeutiques. Certains experts anticipent même un boom psychédélique comme celui du cannabis. Aux États-Unis, un premier état, l’Oregon, a légalisé la psilocybine à des fins de santé mentale plus tôt cette année. La Food and Drug Administration devrait accorder l’approbation de ces traitements psychotropes à usage médical au cours des deux prochaines années, et ce ne serait que le début. Ici, Santé Canada a tout récemment autorisé les médecins à faire une demande pour prescrire certaines drogues psychédéliques d’usage restreint à certains patients.
3 SUBSTANCES DANS LE COLLIMATEUR DES SCIENTIFIQUES
La psilocybine, la MDMA ainsi que la kétamine (un médicament légal et couramment utilisé dans les hôpitaux du monde entier) ont été décrites comme des traitements révolutionnaires pour les personnes souffrant d’un large éventail de problèmes de santé mentale tels que la dépression, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique.
Les perfusions de kétamine sont d’ailleurs déjà utilisées de manière sûre et efficace depuis plus d’une décennie aux États-Unis pour traiter les personnes souffrant de dépression. Dre Nikole Jecen, une anesthésiste qui vient de mettre sur pied une clinique de traitement par la kétamine à Montréal souhaite que nous rattrapions rapidement nos voisins du sud.
Avant la pandémie, c’était un Canadien sur huit qui allait souffrir de dépression à un moment ou l’autre de sa vie. Maintenant, avec l’isolement social engendré par la pandémie de COVID-19, le travail à domicile, la perte de revenus et l’augmentation drastique du stress, ce nombre ne fait qu’augmenter.
UNE APPROCHE DIFFÉRENTE POUR TRAITER LA DÉPRESSION
La Dre Nikole Jecen explique qu’être déprimé, c’est comme être coincé dans une voie profonde. Pensez aux sentiers de ski de fond classique. Une fois que les traces sont faites, il est très difficile d’en sortir. De même, il peut sembler impossible de sortir de la boucle de pensées sombres et négatives qui définissent la dépression. On peut alors se sentir piégé dans cette horrible ornière sans aucun espoir.
Les médicaments antidépresseurs traditionnels peuvent mettre des mois à commencer à faire effet, avoir des effets secondaires désagréables et ne pas ramener nécessairement les gens à un sentiment de normalité, alors que la kétamine agit comme une couche de neige fraîche, lumineuse et blanche au-dessus de ces pistes de ski de fond, et ce, dans les heures suivant la première perfusion. C’est que la substance agit d’une manière complètement différente à l’intérieur du cerveau. Des chercheurs de l’Université Yale ont en effet constaté qu’une seule dose de psilocybine provoque une augmentation importante, immédiate et à long terme des connexions entre les neurones, du moins chez les souris.
Comme l’a dit Leonard Cohen : « Il y a une fissure dans tout, c’est comme ça que la lumière entre. » Les gens ont fait l’expérience de la kétamine racontent qu’ils ont l’impression de « voir la lumière ». La kétamine agit comme un catalyseur pour que ces minuscules fissures dans l’obscurité s’élargissent et permettent à la lumière d’entrer. Dans certains cas, elle agit tout simplement comme le ciseau qui crée la fissure et qui laisse entrer la lumière initiale.
MICRODOSAGE ET MACROSOSAGE
La thérapie au moyen de psychotropes peut prendre 2 formes : le microdosage, qui consiste à consommer d’infimes quantités de drogues hallucinogènes comme le LSD ou la psilocybine (substance active des champignons magiques), et le macrodosage qui consiste à en prendre une plus grande quantité en clinique sous la supervision d’un thérapeute.
Lorsqu’on parle de microdosage, l’objectif est de prendre une dose trop petite pour s’intoxiquer, mais assez substantielle pour fournir certains effets bénéfiques, notamment une meilleure humeur, une diminution de l’anxiété et une meilleure créativité. Il n’y aura pas de « trip » comme tel. Avec le macrodosage, l’expérience est plus sensorielle et le but visé est généralement « d’ouvrir des portes » pour faciliter un travail psychologique avec un professionnel. D’ailleurs, il est important de mentionner qu’il est essentiel lorsqu’on s’adonne au macrodosage d’être accompagné par une personne de confiance qui sera là pour nous en cas de besoin.
La thérapie psychédélique permet de se reconnecter avec ses émotions, de revivre et transcender un traumatisme ou encore de communiquer de manière plus ouverte. Les psychotropes pourraient donc s’avérer être une clé de plus dans l’arsenal des thérapeutes.
« Je sais que ce n’est que le début. J’espère que dans quelques années, une fois la MDMA et la psilocybine légalisées, nous pourrons également proposer le microdosage de ces substances. Les gens méritent de se sentir mieux. Maintenant, nous pouvons aider ceux qui souffrent à réaliser leur percée et à laisser entrer leur lumière. », Dre Nikole Jecen
Est-ce dangereux?
Étienne Billard, trésorier de la Société psychédélique de Montréal et chercheur postdoctoral à l’Université McGill, affirme que la psilocybine et le LSD ne créent pas de dépendance. Les gens qui y reviennent le font parce qu’ils aiment l’effet et non parce qu’ils en ont physiquement besoin. En ce qui a trait aux contrindications, les gens qui souffrent de schizophrénie ou de psychoses devraient s’abstenir de faire usage de psychotropes de même que ceux qui ont un historique familial.
Tout comme la Dre Jecen, il croit à l’immense potentiel de la médecin psychédélique. Il considère d’ailleurs que l’éducation au sujet de ces drogues devrait être une priorité dans notre société.
À quoi peut-on s’attendre dans les prochaines années? Rien n’est certain, mais chose certaine, la révolution psychédélique est entamée et pourrait apporter un nouveau souffle au traitement de la dépression.