Le 29 janvier 1962, Yves Saint Laurent présentait le premier défilé de sa toute nouvelle maison de couture. Il n’aurait jamais imaginé qu’un jour, on lui réserverait deux musées plutôt qu’un: à Paris et à Marrakech. J’ai eu le plaisir de visiter le dernier lors de notre voyage au Maroc.
La découverte se fait en deux temps: le musée Yves Saint Laurent, un lieu où les plus beaux, bijoux, tenues et documents sont présentés, mais aussi le Jardin de Majorelle ouvert au public en 2017 seulement. On y trouve la fameuse maison bleu et jaune déposée sur un magnifique et immense jardin où l’on peut visiter le mémorial d’Yves Saint Laurent et de Pierre Berger, son amoureux et partenaire d’affaires.
«Un matin, nous nous sommes réveillés et le soleil était là. Le soleil marocain qui fouille les recoins. Les oiseaux chantaient, l’Atlas barrait de neige l’horizon, les odeurs de jasmin montaient dans notre chambre. Ce matin-là nous ne l’avons pas oublié puisque, d’une certaine manière, il a décidé de notre destin.» – Pierre Bergé, Une passion marocaine, Éditions de La Martinière
Description et enchantement
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’Yves Saint Laurent est tombé complètement amoureux de Marrakech en 1966 avec ses amis de l’époque, notamment la comédienne Catherine Deneuve et Loulou de La Falaise, la responsable des accessoires de la maison, mais également Andy Warhol et Mick Jagger. C’est là qu’il se rend chaque année pour dessiner ses collections.
«C’est à partir du moment où j’ai connu le Maroc et Marrakech en particulier que j’ai commencé à créer en couleur» – Yves Saint Laurent
Charmé par les souks de la cité ocre, celui qui est né en Algérie en 1936 y vit une résolution couleur. Le changement est d’ailleurs bien exprimé dans le musée. Au fond de la scène, une immense photo d’Yves Saint Laurent comme s’il plongeait le regard sur son propre défilé. D’un côté, les tenues noires et blanches d’avant le Maroc, puis de l’autre, les tenues colorées que Marrakech lui a donné envie de créer.
Dès le début en 1967, avec sa collection Africaine, ses créations sont inspirées par le désert et passent au kaki, puis à des bleus électriques ainsi que des jaunes citron pimpants comme dans le Jardin de Majorelle, la maison du peintre Pierre Majorelle qu’il visite et qu’il achètera avec Pierre Berger en 1980.
Par la suite le créateur découvrit le monde et fit plusieurs hommages à des lieux mythiques en Espagne et en Asie et s’inspira de peintres comme Picasso et Matis. Il revint plus tard à Marrakech avec une ode à son jardin, la collection Voyage imaginaire.
La mise en scène de l’exposition est toute en émotion. On entre dans une grande salle noire où sont installées des photos et des lettres du designer, placées en «ligne de vie». Ce qui m’a fait craquer? La première lettre du défilé, celle du jeune Yves Saint Laurent, 17 ans, qui demande à son mentor Michel de Brunhoff alors rédacteur en chef de l’édition française de Vogue, la direction qu’il devrait prendre (mode ou décoration) et où il devrait étudier. La quête de l’artiste est déjà palpable et s’en suivront les plus magnifiques tenues qui se sont dessinées tout au long d’une vie.