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Le concierge

Je vous l’ai déjà dit dans un billet précédent, m’acheter un condo seule n’a jamais fait partie de mon plan de vie. J’ai toujours souhaité faire ce genre de projet avec mon amoureux. Je sais qu’il y a pleins d’êtres humains sur la terre qui achètent des propriétés tous les jours et que personne n’en meurt, mais moi, ça ne me tentait juste pas.

J’aurais pu me louer un appartement, mais il était temps que je prenne un peu de maturité et que j’investisse dans autre chose que des REER. J’ai détesté le processus puissance mille! Il y a trop de décisions financières à prendre rapidement, chaque choix coûte de l’argent et moi, aussitôt que tu me parles de chiffres, tu viens de fucker ma journée.

J’opte donc pour un condominium sur la montagne situé dans un quartier chic et sécuritaire, dans un immeuble avec caméras de surveillance, entrée barrée et système d’alarme hi-tech. Le gros kit pour une femme seule qui espère vivre en toute quiétude.

Quelques jours après le grand déménagement, alors que je prends mon bain (oui je sais, ça m’arrive souvent, je suis coquette), on cogne à ma porte. J’ouvre. C’est le concierge, un grand et gros colosse de 6 pieds et plusieurs pouces. Je vous le dis, une armoire à glace a l’air d’un frigidaire de minibar à côté de lui. Il me dit :
J’pense que tu as un gros problème?
Hein? Moi?
Oui. Tu viens de prendre ton bain?
Oui.
Ben, l’eau de ton bain coule dans le garage.

Il m’amène avec lui dans le garage. Je constate; l’odeur du véhicule en dessous du tuyau ne laisse aucun doute : il sent l’huile pour bébé et la lavande.
MERRRRRRRRRRRDE!!!!

Là, je fais quoi? Je n’ai plus de cash, j’ai déjà signé des chèques à n’en plus finir. Et là, je dois appeler qui? Un plombier? J’EN CONNAIS PAS DE PLOMBIER!!!!
Ma face doit exprimer mon inquiétude car il me dit :

– Toi, tu as besoin d’une shot de vodka.
– Oui, bonne idée.

On se rend chez lui. Il est à quelques portes de mon unité. Il me verse un verre, on boit cul sec. Je le remercie et je me dirige vers la porte. Il veut m’aider. Il peut m’aider. Il me dit que demain, un plombier doit passer pour regarder des tuyaux dans la salle d’eau et qu’il va lui montrer ça. Ben ça c’est gentil! Il me parle un peu de lui, je l’écoute. Il m’offre un autre verre, je le prends. Il me raconte qu’il est seul. Il semble gentil et ça me fait plaisir de l’écouter, car être dans les bonnes grâces de son concierge, ça peut toujours être pratique. Il m’offre un autre verre que je refuse. Je lui explique que je dois rentrer chez moi, j’ai une grosse journée demain que je dois préparer. Il insiste pour que je reste. Non! C’était cool là. J’ai été polie, je dois quitter. Il me prend par le bras. Non! On ne me touche pas! Je ne veux pas! Et il essaie de m’embrasser! NOOOOOOOONNN!!! Mais quel bout j’ai manqué????? EILLE!!! Je le repousse et je lui dis « Ça, c’est NOOOON!!! ». Puis je me sauve dans mon condo.

Qu’est-ce qui vient de se passer? Qu’est-ce que j’ai fait de pas correct pour qu’il pense que je m’intéresse à lui? J’ai juste voulu être gentille. J’ai pensé naïvement qu’en acceptant son verre, ça faisait de moi une bonne voisine. Je voulais juste le connaître et avoir une bonne relation avec lui. Point final.
Le lendemain, lorsque je rentre du bureau, il y a un gros et majestueux bouquet de fleurs à ma porte. Bon, il veut se faire pardonner… Fiou! J’ai eu peur. Il est gentil finalement.

De retour dans mon nouveau condo en soirée, il recogne à ma porte. J’ouvre. C’est son odeur d’eau de cologne cheap qui me surprend en premier, pas une odeur d’homme repentant. Il a fait réparer mon tuyau et il veut me le montrer. Il me prend par la main. J’enlève ma main de la sienne en lui disant « On ne me touche pas! »
Mais pourquoi? Je ne vous comprends pas vous autres les femmes. Hier, tu étais super gentille. On s’est embrassé.
ON NE S’EST PAS EMBRASSÉ, RAPPELLE-TOI, JE NE T’AI PAS LAISSÉ FAIRE!!!

Je me ressaisis. Je déteste la confrontation et le conflit. J’entre en mode solution. Ma solution est (et elle est vraie) :

– R’garde, je viens de me séparer. C’est difficile pour moi en ce moment. Si je t’ai laissé croire qu’il y avait une porte ouverte, je m’en excuse. Je ne voulais pas. J’ai beaucoup de peine, la rupture a été difficile et je ne suis absolument pas ouverte à aucune relation. Merci de respecter cela.
– Ah… ton ex te battait?
– NOOOOOOONNN????

J’ai perçu dans son visage que puisque mon ex ne m’avait pas battue (?!?!), le reste n’était pas bien grave.

Et ce fut le début d’un long et ô combien compliqué processus d’évitement. Il peut passer des soirées en avant de ma porte à gosser je ne sais pas trop quoi. J’entre et sors de chez moi par derrière. Je ne veux pas le voir. Des fois, je le vois passer par ma terrasse et regarder dans ma maison. Je me couche par terre afin qu’il ne me voit pas. La situation est d’un ridicule sans nom.

Un bon après-midi de fête nationale, le concierge arrive chez moi, complètement saoul. Oui, j’ouvre la porte, car il varge dedans. Il entre, s’écroule par terre dans ma cuisine et se met à pleurer. POURQUOI, TU NE M’AIMES PASSSSSSSSSSSSSS????
Je ne sais plus quoi faire. J’essaie de le relever, mais il est trop lourd pour moi. Je lui dit que c’est assez, que c’est surréaliste et que je n’ai absolument pas envie de vivre ça. Il veut rester par terre sur l’ardoise froide. Je le laisse là. Je retourne à mon salon, j’ouvre la télé et je continue le film que j’avais commencé. Que vouliez-vous que je fasse? Après quelques minutes, il se lève sans un mot et il sort de chez moi.

J’ai la paix pendant 3 mois. Je recommence à revivre en toute liberté. C’est lui désormais qui m’évite et c’est parfait comme cela.

Jusqu’à ce samedi soir d’automne. J’entends gratter dehors alors que je fais le souper. Aaaaaaaahhh… Les ratons-laveurs font encore du grabuge! Ça semble se passer chez mes voisins en plus. Ils ne sont pas là. Bon, je vais m’en occuper. Je sors ma lampe de poche et sors dehors sans faire de bruit et là, je pointe ma lampe en faisant TADDDAMMMM!!! (C’est un jeu que j’adore faire avec les ratons-laveurs, ça les fait freaker et ça me fait rire. C’est de bonne guerre, croyez-moi!) Mais dans ma lumière, ce ne sont pas des ratons-laveurs que je vois mais, un jeune homme.

– Heu, as-tu besoin d’aide? (je sais, je sais)
– Heu…non..non…
– Heu… serais-tu par hasard en train de commettre un cambriolage?
– Heu… non… non
– Moi j’pense que oui. Le moustiquaire est arraché et la fenêtre à moitié ouverte.
– Non, non, non
– Bon, ce n’est pas parce que c’est plate, mais je dois aller appeler la police.

Je cours vers ma maison. Je barre ma porte et je fais le 911. (Ma vie est une joke!)
La policière me demande s’il y a des caméras de surveillance. Je dis que oui. Elle me demande qui possède les écrans et je réponds que c’est le concierge. Elle me demande si je peux l’appeler et lui faire état de la situation. Ouain…

Le concierge les amène voir l’enregistrement des dernières heures. Tout se passe bien. Il revient par la suite pour voir si je vais bien. Oui, je suis sur le choc, mais je ne veux pas qu’il entre chez moi et je le lui signifie. Il me dit que je suis drôle, qu’il ne veut qu’être mon ami. Moi je ne veux pas. Il m’offre de dormir avec moi. MAIS QU’EST-CE QUE TU NE COMPRENDS PAS?????? NOOOOONNNN!!!! Il trouve ça drôle! Il m’empoigne, me lève dans les airs et il me serre très fort dans ses bras puis il me mord… Je me débats. Il me relâche et je lui crie que je vais rappeler la police. Il sort son trousseau de clés en riant et me montre la mienne. Il me dit avec un sourire qui me glace : « Tu sais que je peux revenir quand je veux.. ».

Mon cœur s’est arrêté. C’est ce soir-là qu’on a semé en moi un doute qui ne m’a plus quittée.

Je ne dormais plus et l’objet de mon insomnie vivait dans ma bergerie. Je dormirais dorénavant avec un marteau sous mon lit. C’est un matin en prenant mon café, que j’ai réalisé l’absurdité de la situation en jetant un coup d’œil sur la chaise que j’avais mise devant ma porte pour empêcher quiconque d’entrer. Qui veut vivre étouffé par la peur un peu plus chaque jour?

J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai informé mon syndicat de condo de la situation. J’ai raconté mon histoire devant six voisins avec la honte au coeur. Je sais, c’est con, mais je me sentais coupable. Est-ce que je m’inquiète pour rien? Est-ce que j’aurais dû lui crier encore plus après? Je ne connais pas les limites du harcèlement. Je n’avais jamais été confrontée à cela et j’avais peur qu’on me juge parce que j’avais fait fausse route. À mon grand soulagement, les voisins m’ont prise au sérieux.

Le lendemain matin, un serrurier est venu chez moi pour changer toutes mes serrures et ajouter des loquets supplémentaires à mes portes. Après cela, tous s’est passé très vite. D’autres femmes seules sont sorties du placard. Je n’étais pas la seule! Nous étions plusieurs à vivre en colocation avec la peur.

Le concierge a été remercié. Vivre seule, ok. Mais vivre en colocation avec la peur? Non merci!

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