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La solitude

Je suis allée prendre un verre avec un ami la semaine dernière. Célibataire depuis quelques mois, après 15 ans de vie de couple, il m’avoue qu’il trouve ça un peu ardu. J’ai dit un peu? Non, oubliez ça! Il trouve ça incroyablement pénible!

Comment ça donc?

Il me répond: Je suis incapable de rester seul. Je deviens fou quand je n’ai pas les enfants. Je tourne en rond chez moi. Ça me déprime. C’est comme un coup de pelle en pleine face que je reçois chaque jour.

Hé la la, il a fait connaissance avec la solitude, la douloureuse.

J’ai essayé de lui prodiguer quelques conseils pour ne pas rester seul chez lui, pis j’avoue qu’au bout de deux minutes, je ne savais plus quoi dire, car pour moi, la solitude n’est pas quelque chose d’horrible à vivre. Bien au contraire, je vous dirais même que je suis devenue un peu trop chum avec elle.

Mais ce ne fut pas toujours le cas. Lorsque j’ai quitté la maison de mes parents pour aller vivre en appartement à 300 km de chez moi pour étudier dans la capitale, la solitude n’existait pas. J’en avais déjà entendu parler, car j’avais une tante qui habitait avec elle depuis que son mari était décédé. Elle habitait isolée dans un petit appartement du centre-ville de Montréal. Malgré l’effervescence de son environnement urbain, elle avait toujours l’air triste et seule, extrêmement seule. J’avais une peur bleue que cela m’arrive un jour à moi aussi, mais dans mon appartement à Sainte-Foy, avec ma coloc Audrey, la solitude était absente. Plus je me faisais des amis et moins elle se pointait. Toutes mes journées, je les passais entourée de mes amis. Nous mangions, nous allions à nos cours, nous allions prendre des cafés (ah ce fameux temps où le café au lait était un luxe!) et le soir, nous étudions toujours et immanquablement ensemble. J’ai habité deux ans dans cet appartement au salon rose de la rue Laroche à Sainte-Foy et dans mon souvenir, j’ai passé une seule fois une soirée seule à cet endroit. Un soir où j’avais trop la grippe pour mettre le nez dehors.

Un jour, je me suis fait un amoureux. Après quelques mois de fréquentation, nous avons décidé de mettre nos affaires ensemble dans le même appartement et tant qu’à y être, d’y rester tous les deux aussi. C’est sur la rue Saint-Jean, dans le Vieux Québec, que pour la première fois la solitude est venue me rendre visite. Je travaillais de jour, tandis que mon amoureux travaillait de soir. Mes amis avaient eux aussi des conjoint(e)s, alors on se voyait moins et je passais des soirées seule à la maison à attendre que celui qui faisait battre mon cœur revienne se lover contre moi. Mais cette solitude-là était en visite. Je savais que toutes les nuits, aux alentours de minuit, elle allait me quitter. J’appréciais sa présence. Elle était synonyme pour moi de grande liberté. Avec elle, je pouvais faire ce que je voulais. Me faire des masques, écouter des films de filles, prendre de longs bains, faire des expériences culinaires… Bref, c’était la joie.

Pis un jour, après quelques années, l’amoureux m’a quittée et m’a laissé le grand appartement. J’me souviendrai toujours qu’avant qu’il ne claque la porte de la maison pour la dernière fois, emportant avec lui des années de vie heureuse et des meubles, que toute seule, sur une chaise grise qu’il me restait, outre les électroménagers et mon lit, je regardais mes pantoufles pendant qu’il faisait ses boîtes. Je les ai fixées et je me suis dit à voix haute: Ben là, ça serait ben l’fun que tu pleures. 

Je n’y arrivais pas.

Alors j’ai fini par me raconter des histoires tristes pour me faire pleurer, mais ce que je ressentais vraiment était… du soulagement. J’étais enfin libre de faire — seule — tout ce que je voulais quand je le voulais… enfin!

La solitude est devenue mon amie. Oui, des fois je la trompe avec d’autres, mais je reviens toujours à elle. Des fois, quand je suis en voyage avec d’autres personnes ou quand je passe un long moment avec beaucoup de monde, elle me manque vraiment.

Avec elle, je ne me coiffe pas, je lis beaucoup et même que quelquefois je sors mes pinceaux et je m’aventure à faire une ou deux toiles. Car elle est inspirante ma solitude et ne juge jamais mon manque de talent.

Pour ma solitude et moi, un dimanche idéal commence toujours par un café au lait, car maintenant, on a notre propre machine. Je choisis un album à écouter. En ce moment, c’est le dernier opus de Radiohead qui résonne dans mon condo. Je m’installe devant mon ordinateur sur ma table à dîner et j’écris tout ce qui me passe par la tête. Ensuite, je prends tous mes livres de recettes et je les étends devant moi. J’y vais selon mes goûts et selon le chef dont j’ai envie de reproduire les fabuleux repas. Je prends en note les ingrédients, pour l’entrée, l’entremets et le repas principal. Je ne fais pas de dessert, car je risque de passer au travers en moins de deux. Je sors par la suite faire des courses. S’il fait beau, je me rends jusqu’au marché Jean-Talon, sinon je traverse à pied la montagne pour me rendre jusqu’à la rue Mont-Royal. De retour chez moi, je prends une pause. C’est là que je commence un film, juste après avoir pris mon bain, car prendre un bain en plein jour fait partie de mes petits plaisirs. Après tout cela, je me mets au fourneau, pendant des heures, avec un verre de sauvignon blanc. J’aime mes livres de recettes et encore plus quand ils sont un peu sales. Je trouve que ça leur donne du vécu. J’en suis fière en plus. Pour moi, ça c’est une journée de bonheur. Une journée ou je me sens en paix avec ma solitude.

De retour au café. Je regarde mon ami, je ne sais pas quoi lui dire, car je ne comprends pas son malaise. Je fais la même erreur que tout le monde. J’essaie de le conseiller sur la façon de ne plus être seul, au lieu de l’aider à mieux apprivoiser sa nouvelle concubine. Pourtant, elle cognera probablement à la porte de chacun à un moment de notre vie, qu’elle soit bienvenue ou pas.

Ma solitude, j’ai décidé de l’accueillir. De la vivre et non de la souffrir. D’être heureuse avec et de trouver un équilibre entre elle, moi et les autres. Car dans toute bonne recette, il faut trouver la juste mesure. Honnêtement, la solitude n’a rien d’effrayant. Elle est même une amie qui te fait toujours passer en premier. Elle est celle qui t’aide à te recentrer et à trouver ce que tu aimes vraiment. C’est avec elle en premier que tu devrais toujours être toi-même.

Oui, je sais. Ce bout-là, j’aurais dû le dire à mon ami. Parce qu’un coup de pelle en pleine face, tous les jours, ça peut vraiment être douloureux et laisser quelques cicatrices.

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