Yuki est le nom qu’elle a choisi à l’âge de 16 ans. Il signifie flocon de neige en japonais. Contrairement au joyau d’hiver, elle ne fond pas.
Notre maman semble s’être cristallisée dans le temps, si bien que l’on a l’impression qu’elle est éternelle. Sa présence lumineuse, ses cheveux de jais et son style se distinguent plus que jamais. Elle souffle 75 bougies aujourd’hui en ce jour de la femme et elle donne l’impression qu’elle sera toujours là pour nous accompagner. Voici un texte en trois temps, écrit par ses trois filles, moi l’ainée, Noémie et Abeille, pour souligner son anniversaire.
Yuki selon Mitsou
Des 12 enfants élevés sur la rue Morin à Trois-Pistoles, elle était la première. Elle était aussi première de classe, une position qu’elle n’a pu garder aussi longtemps qu’elle l’aurait aimé, sa famille ayant besoin de mains pour torcher plus jeunes qu’elle. Après avoir essuyé des petits nez et lavé des tonnes de couches, elle partit vers Québec à l’âge de 16 ans. C’est à Montréal qu’elle débuta sa vie de nomade comme artiste de cabaret avec la troupe de Grimaldi, avant de devenir agente de talent. Son plus grand artiste, elle le trouva à l’Expo 1967 en rencontrant mon comédien de père. Mais la star, c’était elle. D’une beauté rare, on la croyait asiatique (son prénom aidant). C’est plutôt du sang amérindien qui coule dans ses veines. L’instinct et la sagesse de ce peuple, elle les mit en lumière dans la seconde partie de sa vie. Après être devenue maman d’une petite blonde aux yeux bleus (moi), elle décida de compléter son université en sexologie, puis de se dédier quelques années plus tard à l’art si noble du Shiatsu.
Avec une vie comme la sienne, elle n’aurait pas pu m’empêcher de choisir très tôt ma vocation. À 16 ans, j’étais moi aussi prise d’une passion dévorante pour la musique et j’enregistrais ma première chanson. Seulement, ma mère était là, à mes côtés pour me soutenir et m’encourager. Ce que j’ai réalisé beaucoup plus tard, c’est qu’elle serait avec moi à toutes les étapes de ma vie. Aussi présente pour mes défis d’artiste, d’entrepreneure que de mère. Celle qui m’a donné la vie est encore aujourd’hui de toutes mes aventures, les bonnes comme les moins réussies et c’est à travers son regard que j’existe le mieux. Car ce que j’ai compris grâce à elle de la maternité, c’est qu’un parent ne met pas des enfants sur Terre pour les juger, mais pour les aimer et les appuyer. Et ce regard bienveillant, je tente de le mettre en pratique à mon tour sur mes filles, mais aussi sur ceux qui croisent mon chemin. Merci Yuki de m’avoir appris l’essence de l’humanité.
Yuki selon Noémie
Je suis habitée par la même passion que celle de ma mère, pour la culture orientale et, en particulier, pour le massage Shiatsu. En effet, ma mère est une pionnière dans cet art en Amérique du Nord. Au début des années 1980, elle a fondé l’une des premières écoles de Shiatsu au Québec. Elle a été à l’avant-garde d’un courant qui allait se populariser au cours des décennies suivantes.
Dans mon enfance, après l’école, je me rendais souvent au centre de Shiatsu de Yuki pour faire mes devoirs. Je servais parfois de cobaye à ses étudiants. J’ai donc appris très jeune à évaluer la qualité du toucher. J’ai vite mis cet apprentissage en pratique en suivant une formation en shiatsu.
Ces transmissions d’un savoir enrichissant m’ont permis de développer un intérêt marqué pour la conception orientale de la santé. Sur les traces de ma mère, je perpétue cet art à travers le lomi-atsu, une approche thérapeutique que j’ai mise au point en jumelant différentes techniques de Shiatsu à la technique hawaïenne lomi-lomi. J’enseigne le lomi-atsu depuis 2009 à l’institut Kiné-Concept. Nos heures passées à revoir ensemble les textes de mon livre Massage du ventre et philosophie orientale pour tous ont été des moments précieux qui nous ont permis d’avoir de bonnes réflexions et discussions. Ma mère m’a guidée dans ma démarche avec toute l’attention et le dévouement d’une thérapeute qui adore son métier. Merci pour cet héritage de vie!
Par son enseignement, ses mains et son cœur, elle a touché tant de gens… Maman, ton amour inconditionnel pour tes enfants a fait de moi une fille comblée.
Aujourd’hui c’est la fête de notre jeune maman de 75 ans! Celle qui nous a enseigné que dans la vie, ce ne sont pas les années qui font la vieillesse, mais bien notre attitude vis-à-vis celle-ci. «On est vieux que lorsqu’on renonce à être jeune», nous disait notre mère! Nous nous efforçons de suivre ce conseil de vie chaque jour. Merci maman de prendre soin de nous par le biais du Shiatsu avec tes doigts magiques, mais surtout, merci de nous avoir montré ce qu’est l’amour inconditionnel. Tu es et seras toujours, notre flocon de neige éternel.
Yuki selon Abeille
Ma mère, c’est ma partenaire.
Toute jeune, on m’appelait pot de colle parce que j’étais toujours collée sur ma mère
(aujourd’hui, mon fils est pareil, mais je l’appelle mon bébé koala). J’avais tellement de la misère à m’éloigner d’elle, que quand j’allais dormir chez des amies, nous avions un code. Si je l’appelais au téléphone et que je lui disais un certain mot, ça voulait dire: «Maman, invente une raison et viens me chercher. Je n’arriverai pas à y passer la nuit. Je m’ennuie!» Et elle le faisait. Maman était toujours de mon bord, même quand, ado, les profs pouvaient dire des commentaires plutôt négatifs à mon égard. Elle écoutait ma version avant de réagir et la plupart du temps, elle prenait pour mon camp. Ce n’est donc pas étonnant que je vous dise que ma mère, c’est ma partenaire.
Pour vous dire à quel point maman n’a pas pris ce rôle à la légère, mes rêves sont aussi devenus les siens. Quand, à 17 ans, j’ai voulu aller à New York pour étudier le théâtre, elle est venue avec moi. Urbaine qu’elle est, et surtout fonceuse, la convaincre n’a pas été trop ardu. Comme je n’avais pas d’amis dans la grosse pomme et qu’adolescente, mon look comptait BEAUCOUP, j’habillais ma mère avec des vêtements de «Yo» pour avoir le sentiment d’être avec une amie de mon âge et on allait se promener en ville! Je n’en reviens toujours pas… Revenue à Montréal, 2 ans plus tard (après l’épisode Musique Plus), j’ai voulu pousser l’expérience un peu plus loin et aller vivre à Los Angeles. Comme je n’avais pas l’âge légal aux États-Unis (et que dans le fond, on n’était juste trop pas prêtes à vivre l’une sans l’autre), maman a encore une fois embarqué dans ma folle aventure. Elle a vendu sa maison et nous sommes parties avec 2 valises chacune, ne sachant pas où nous allions habiter et ne connaissant rien de cette ville.
En gros, une chance qu’elle a été là, car elle a réussi à me faire garder les deux pieds sur terre (malgré quelques folies) dans une ville qui peut être si superficielle. Deux années (et on dirait dix vies plus tard!) j’avais enfin l’âge légal et l’autonomie pour y vivre seule, alors maman est revenue sans moi à Montréal, dans son Plateau Mont-Royal…
Maintenant que nous sommes dans la même ville et que je la vois rajeunir depuis la naissance de mon fils, je ne supporterais plus jamais d’habiter à plus d’une heure de distance d’elle. Ça doit être ça, être une petite dernière.
Bonne fête maman!
de Mitsou, Noémie et Abeille, tes beaux-fils et tes petits enfants qui t’aiment!
xxx