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Montage de gauche à droite, Sarah @Becot.s, Myriam @mimicoolgmail, Marie-Eve Groulx @baumedetigre, Samuel Flynn @samuelflynnnn, Marie-Hélène Racine @la.racine, Mitsou Gélinas @mitsougélinas, Helene Boudreau @iamhely et @kaos.villainova

Le moule

Chère Hélène Boudreau,

Toi qui avec un sourire éclatant, as levé ta toge de finissante de l’UQAM pour laisser paraître le bas de tes seins; toi qui croyais que l’université était encore un safespace pour tester, créer et apprendre; toi qui a été emportée dans un tourbillon médiatique après t’être fait actionner pour 125 000 $ par ton alta mater.

 Je veux te dire que je suis désolée et je veux aussi te dire merci. 

Même si on vient de t’offrir une entente à l’amiable, se faire brasser la cage par des avocats, des chroniqueurs et par le public, c’est toujours violent, j’en sais quelque chose. Sache que ce que tu as fait, tu ne l’as pas fait pour rien. Je me suis reconnue et je t’en remercie, car tu nous as donné encore une fois l’occasion de réfléchir au traitement que l’on fait aux femmes sexuellement assumées, et ce malheureusement depuis la nuit des temps.

Je suis de celles qui sont pour le féminisme libéré et sexué. Une position pas toujours évidente à tenir publiquement, mais qui est plus facile à débattre aujourd’hui du haut de mes 50 ans que lorsque j’ai commencé ma carrière à 17 ans. D’ailleurs, même si le sujet m’interpelle énormément, j’imagine que j’aurai eu plus de plaisir à écrire ce texte qu’à lire quelques-uns des commentaires qui suivront.

Ce qui m’intéresse le plus dans cette histoire, c’est ce que tous semblent avoir oublié… Tu es une étudiante en arts visuels et médiatiques. Tu as déclaré que ceux qui y ont vu une atteinte à la réputation de l’UQAM ont une conception plutôt minimaliste de l’art contemporain. Évidemment, il aurait été facile d’effacer le logo de ton université avant d’utiliser la photo sur tes réseaux sociaux et sur le site OnlyFans où tu publies du contenu explicite, mais tu ne l’as pas fait. Est-ce que ce contenu choc est le début d’une série d’œuvres numériques? Comment s’inscrira-t-il dans tes œuvres à venir? Je suis curieuse de voir ton art évoluer. Tu as eu le culot de remplacer quelque temps le logo de l’UQAM par « UCÙM ». J’ai croulé de rire, même si tous n’ont pas apprécié ton humour autant que moi. L’exposition risque d’être prometteuse!

Je sais aujourd’hui qu’il est plus facile d’imaginer que l’intellect d’une jeune femme est amoindri par sa féminité ou sa sexualité affichée. Comme artiste, j’étais déjà ma propre boss et je m’appartenais, même si bien des gens m’enlevaient le crédit de mes propres créations. On disait que j’étais une poupée menée par une équipe de gérants alors que c’était tout autre. J’ai toujours été maître de mes créations, de mes fantasmes vidéoclipiens. J’appelle ça de l’autoérotisme. 

Dans le moule

Chère Hélène, pendant aussi longtemps que tu en auras envie, je te dis crée, fonce, et surtout, have fun. 

Je te souhaite de pouvoir vivre librement de ton art, parce que sinon, la pression sociale risque de t’en voler des bouts. Appartiens-toi comme tu le veux et que cet épisode ne te fasse pas entrer trop vite dans le moule. 

Ouin… Je suis désolée de te l’annoncer, mais même si tu n’y crois sûrement pas en ce moment, il y a de fortes chances que tu t’assagisses avec le temps. Ça se peut que tu décroches une job steady, que tu montes les échelons corporatifs et que tu n’aies plus envie d’avoir ce type de jugement ou de regard sur toi. Ça se peut aussi que comme bien des femmes, tu tombes en amour avec un gars qui te veut plus discrète et que tu te dises dans un geste d’abandon qu’il en vaut la chandelle. Ça se peut même un jour que tu aies des enfants et que tu aies l’impression que tes mamelons n’appartiennent plus qu’à eux. Et oui, la relation avec notre corps change et la société, la vie ont le don d’amoindrir les pulsions sexuelles féminines, j’en sais quelque chose. 

Atteinte à la marque?

L’UQAM t’a actionnée pour atteinte à sa marque. Ironiquement, on se souviendra que l’UQAM a longtemps été la seule université au monde à être propriétaire d’un club de danseurs nus sur son campus, le 281, où plusieurs de ses étudiants travaillaient d’ailleurs, pour payer leur diplôme.  

Sache que si j’avais encore 20 ans, je referais la même photo (un peu dans le style de la tienne) qu’au début des années 90, avec le chandail trop court bleu du Yaya et ce, même si j’ai comme toi subi le poids des commentaires. 

Juste pour le fun, je me suis imaginé ce matin reprendre la photo en soulevant un t-shirt de Rythme FM, mon employeur actuel. Mais comme bien des employés, je me dois de conserver une image irréprochable qui ne porte pas atteinte à l’entreprise. Alors j’ai pensé que je pourrais plutôt prendre la pose « bas des seins » avec un t-shirt de Dazmo ou de Grandé, les entreprises que j’ai co fondées, mais quelle serait la valeur de la revendication si je ne peux pas me licencier ou m’actionner moi-même? 

Puis j’ai eu une vision: si les présidents ou la haute direction des grandes sociétés du Québec appuyaient la cause en posant comme les étudiants de l’UQAM en t-shirt trop court, ça changerait la donne, non? J’avoue que c’est farfelu et qu’il serait plus facile de créer des macarons à épingler sagement sur son veston, mais l’idée que des professionnels en position de pouvoir se mobilisent contre l’insulte sexuelle est forte.

Une autre question se pose: et si on soulignait tout simplement dans les politiques de diversité et d’inclusion des entreprises, qu’on ne peut stigmatiser, culpabiliser ou disqualifier toute femme dont l’attitude ou l’aspect physique serait jugé provocant ou trop sexuel, on en aurait un bon bout de fait, non? Cette diversité tant recherchée par les entreprises aujourd’hui arrivera sous différentes formes et il est important d’y jeter un regard nouveau. Qu’en pensez-vous?

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Le printemps sera chaud dans les écoles, même en virtuel!

Depuis les derniers jours, les étudiants réagissent sur les réseaux sociaux en prenant des poses suggestives avec leur diplôme, dévoilant des parties intimes pour alléger la charge qui repose sur tes épaules. Ils dénoncent le slut shaming (l’humiliation des salopes) ainsi que la putophobie ou la whorephobia (hostilité ou peur à l’égard des personnes prostituées) en ne manquant pas d’ajouter le mot-clic #papaUQAM, visant le paternalisme de la direction. J’imagine bien que cela n’est pas étranger à l’offre d’entente à l’amiable. 

Une boursière de l’UQAM, Cato Fortin, qui a concentré ses recherches sur le traitement réservé aux corps des femmes et des personnes queers mentionnait que le rayonnement de l’UQAM se fait beaucoup par les études féministes, mais que la poursuite de l’université envoie le message qu’elle tente de contrôler le corps et l’image de sa communauté étudiante. 

Petit mot pour les directions des autres établissements : vous risquez aussi de voir déferler des photos de vos étudiants dans ce même mouvement de solidarité. De grâce, n’envenimez pas la situation en les interdisant, mais pensez plutôt avec mélancolie au bon vieux temps (au printemps dernier) où l’on ne parlait que d’hypersexualisation des filles avec la hauteur de leurs jupes et des quelques garçons qui ont aussi manifesté en jupe, réclamant la libération des genres et appuyant le mouvement de leurs consœurs.

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