par «Pis, t’as passé de belles vacances?» On se fait tous poser la question à la fin de l’été. Euh, bien oui… à part des incendies qui enflamment le monde, des séismes dévastateurs, des turbulences du marché économique et des soucis personnels qui nous accaparent, c’était… comment dire… super? On aurait besoin de prendre un café ensemble pour parler de l’été qui vient de se passer, mais on se résume à quelques faits saillants, avant de retourner à nos occupations.
Règle générale, les éternels optimistes répondront que leur été fut extraordinaire. Ils sont chanceux, même si je soupçonne qu’ils mentent un peu. Puis il y a ceux qui commencent par les moments les plus dramatiques, rendant l’action plus palpitante. Reste que tout est dans le regard que l’on y porte. Que retenons-nous vraiment? Un moment vraiment exaltant ou un moment plus simple qui donne un sens à toute la saison? Allez, je vous raconte quelques bouts de mon été 2023 et je vous emmène même dans une quincaillerie du Bronx!
Ma cigale de l’opéra
Je suis allée installer ma fille Stella à New York, car elle a décroché un stage d’un mois dans une école d’opéra. L’expérience allait même se terminer par un tour de chant à Carnegie Hall. Après quelques recherches sur le web, elle a déniché un logement dans une résidence d’étudiants quatre étoiles… à Harlem. J’ai toujours voulu élever des filles fortes et indépendantes. Avec cette nouvelle aventure, elle allait vivre dans un environnement assez différent de celui où elle a grandi et c’était parfait comme ça.
Après avoir paqueté tout le nécessaire pour lui faire un petit nid douillet, nous avons pris la route pour New York. Rendues sur place, le travail ne faisait que commencer! Je vous avoue que j’étais presque aussi heureuse de voir ma fille nettoyer le plancher crotté de sa chambre d’étudiant à quatre pattes que de l’imaginer sur une des plus grandes scènes quelques semaines plus tard. Eh oui! Ça fait partie de l’école de la vie, ça aussi! Sauf qu’elle a dû le laver au moins quatre fois, son plancher, pour que l’on ose y déposer un orteil! Et que dire de la salle de bain… Un délice pour les amateurs de crasse. Je me suis gardé le privilège. Puisque les images valent mille mots, en voici un aperçu.
Puis, en pleine canicule new-yorkaise, nous avons réalisé qu’il nous manquait l’essentiel dans cet appartement plein soleil: un air climatisé. Je suis allée en acheter un dans le Bronx, quartier mythique pour la musique, certes, mais qui est aussi doté de gigantesques quincailleries. Aweille la mère, transporte ça dans ton char, glisse ça tout le long du corridor, monte ça dans l’ascenseur pis installe la machine pour prouver que t’es forte pis que t’es capable toi aussi!
Après quatre jours exténuants, j’ai laissé mon enfant prodige à ses tours de chant. C’est là que Stella a fait face à un nouveau public coriace: des grosses coquerelles qui descendaient le long des murs de sa chambre pour lui tenir compagnie. Un matin, elle nous a envoyé un message désespéré. L’une des bibittes venait de lui tomber sur la main alors qu’elle préparait son lunch!
En un mois, Stella a déménagé d’appartement trois fois pour fuir les coquerelles (il y en a vraiment partout là-bas). La bonne nouvelle est que grâce à son œil averti et sa nouvelle passion pour le nettoyage et l’extermination, elle n’en a PAS ramené à Montréal!
Mis à part les coquerelles, ma cigale a réalisé quelque chose d’encore plus important lors de son séjour à NY: à quel point la qualité de l’enseignement de la musique classique est fantastique à Montréal! Nous avons des professeurs de haut niveau et un milieu culturel riche, ici. Mais pour le comprendre, il fallait qu’elle le saisisse ailleurs. There is no place like home. On est toujours mieux chez soi et il n’y a pas que Dorothée qui le sait!
Dessines moi un panda…
J’ai moi aussi appris de nouvelles choses… Entre autres, comment peindre des pandas! D’ailleurs, mon animal chanceux est plus simple à dessiner que je l’imaginais. Tout est dans la pression que l’on met sur le pinceau de calligraphie. Une touche légère et j’obtenais une très fine ligne. Plus j’appuyais et plus le trait devenait large et gras. Je diluais l’encre noire et opaque dans l’eau afin de lui donner le niveau de transparence désiré pour les dégradés. Je «droppais» deux ovales noirs assez foncés pour faire les yeux, puis un nez, les babines et les oreilles. Dans un geste continu, je traçais une grosse tête ronde. Pour finir, je replongeais le pinceau dans les bols d’encre et d’eau et traçais les papattes.
«Panda» ce temps, plus je dessinais mes gros toutous noir et blanc, mieux j’oubliais mes pépins. En cet été 2023 bien particulier, suspendue à mon pinceau, j’honorais la beauté du monde par les dessins de pandas, plutôt que de focaliser sur mes craintes face à l’humanité, aux désastres écologiques qui se multiplient et à mes propres changements…
Un dernier trait d’encre
J’aimerais jeter un dernier trait d’encre ici pour vous dire merci. Merci pour la délicatesse que vous avez eue à mon égard quand les articles concernant la séparation de notre couple ont été publiés au beau milieu du mois d’août. Sachez que je vais bien et que vos témoignages, comme toujours, me sont très chers.
Pour protéger l’intimité de notre famille, nous avons choisi Iohann et moi de rester discrets sur la question. Depuis notre rencontre il y a 27 ans, nous avons beaucoup créé: de la musique, des entreprises et surtout, une merveilleuse famille. Nous continuerons d’être de fiers parents et partenaires pour encore longtemps.
Je sais que je ne me raconterai pas l’été 2023 de la même manière dans quelques années, car mon apprentissage sera complété. J’aurai mis de l’eau dans mon encre et, surtout, donné un sens à tous ces traits qui se posent sur ma feuille aujourd’hui.
Amicalement,
Mitsou
