À 51 ans, la belle designer italo-québécoise Nadya Toto renait des cendres (littéralement) pour nous présenter une collection encore plus assumée dans sa féminité, mais tout en confort. De plus, la ligne 100% produite à Montréal est offerte dès aujourd’hui sur Mitsou Boutique. Tour d’horizon de la carrière peu ordinaire d’une créatrice ambitieuse et prolifique.
Mitsou Gélinas: Quel plaisir de te revoir! J’ai toujours suivi ta carrière puisqu’on a évolué en même temps et que l’on a pas mal de points en commun. Tu es devenue designer très jeune, en 1989, un an après que je sois entrée en scène. Côté personnel ta fille a 13 ans, le même âge que ma dernière et physiquement, on se ressemble un peu!
Nadya Toto: C’est vrai! Il y a quelque chose dans le regard… Il m’arrivait de me le faire dire de temps à autre quand on était ‘au top’.
Mitsou Gélinas: Tu viens de dire ‘au top’. Mais c’est vrai que tu as eu un début fulgurant. Parle-moi de ces premières années.
Nadya Toto: Je me sens encore ‘au top’ mais d’une autre façon (rires) Disons qu’à l’époque, c’était spécial. J’avais de la difficulté à gérer mon temps. Chaque jour j’avais une entrevue, puis j’allais à l’atelier. Je devais couper, créer, je me changeais rapidement parce qu’il y avait un événement le soir. C’était complètement fou!
Mitsou Gélinas: C’était la grande effervescence du côté des designers mode au Québec. Il y avait de nouveaux visages.
Nadya Toto: Oui! C’était l’époque de Philippe Dubuc, Hélène Barbeau, Marie-Saint-Pierre, Andy The Anh. J’étais bien entourée!
Mitsou Gélinas: Je me trompe où on t’a perdue de vue dans les dernières années?
Nadya Toto: Les gens pensent cela, mais en fait, je n’ai jamais pris de pause. Je n’ai pas arrêté de faire mes collections, même quand j’ai eu ma fille, Elisa. Cinq jours avant d’accoucher, je dessinais encore ma nouvelle collection. Quand Elisa a eu trois mois, j’ai dû quitter pour aller au Salon des tissus à Paris, j’avais le coeur brisé et je pleurais dans l’avion! Je n’oublierai jamais ce moment…
APRÈS LES CENDRES À LA RENAISSANCE
Mitsou Gélinas: Parlons de l’incident à l’atelier…
Nadya Toto: Je ne l’ai raconté à personne, tu es la première à qui j’en parle dans les médias. En novembre 2018. J’avais un magnifique atelier de type industriel sur la rue St-Laurent au niveau de la rue. Mes voisins avaient une shop de carrosserie où l’on utilisait beaucoup de produits chimiques. Un matin glacial, j’arrive au travail, et tout avait explosé. Il n’y avait plus rien. Plus de vitrine, plus de porte. J’ai perdu 750 robes, toutes mes archives, mes créations de défilé… Tout était recouvert de suie. C’était des funérailles pour moi. J’ai pleuré pendant un mois. Je venais de tout perdre, autant mon passé que la collection sur laquelle je travaillais. J’ai tout recommencé à zéro. Je me suis loué un local lumineux dans lequel je suis toujours. J’ai des fées couturières qui travaillent avec moi (nous produisons tous mes vêtements ici même, à Montréal) et j’ai compris que même quand arrive une chose horrible comme celle-là, il y a toujours du beau. Cela m’a forcé à faire le grand ménage de ma vie.
UNE IDÉALISTE RÉALISTE
Mitsou Gélinas: Tu t’es réinventée. Tu es une fille qui carbure aux rêves?
Nadya Toto: Je suis une idéaliste pure. Je visualise et réalise… tout en étant réaliste! Le matin je me réveille avec le sourire parce que je sais que je vais faire ce que j’aime le plus au monde, créer. Je me dirige vers le bon, ce qui m’aide à survivre dans ce milieu. On devient ce que l’on pense.
Mitsou Gélinas: Quel est ton dernier accomplissement?
Nadya Toto: J’ai toujours rêvé de participer à l’exposition internationale la Coacherie à New York. J’ai attendu longtemps car c’est un gros investissement, mais comme j’avais une collection d’automne 2020 fabuleuse, celle qui sera d’ailleurs vendue sur ton site, j’ai décidé de faire le saut, et ça c’était en février, juste avant la COVID! Bien finalement, j’ai réussi à faire entrer ma collection dans 30 boutiques de la côte est américaine, de New York au Texas en passant par la Floride avec des marques exclusives, en plus de la centaine de boutiques canadiennes qui offrent déjà mes vêtements. C’est un grand privilège!
ANGELINA ET DREW
Mitsou Gélinas: Tu as réussi à habiller Angelina Jolie et Drew Barrymore. Comment c’est arrivé?
Nadya Toto: Quand j’avais ma boutique sur De la Montagne, ma vendeuse m’a appelée pour me dire qu’il y avait une femme étrange qui venait d’entrer, avec un imper et des lunettes. Elle se demandait si elle devait appeler la police. Deux minutes après, elle m’a rappelée pour me dire « viens vite, c’est Angelina Jolie! » Pour Drew, ce fut un coup de foudre. Elle est baba cool un peu comme moi et j’étais si heureuse qu’elle aime mes créations.
Ces jours-ci, j’ai le privilège d’habiller Isabelle Brais, la femme de François Legault qui a longtemps œuvré dans le milieu de la mode et notre ministre de la culture et des communications, Nathalie Roy. Puis il y a toi! C’est tellement excitant!
Mitsou Gélinas: À 51 ans, tu es d’une jeunesse incurable. Comment fais-tu pour avoir autant de vitalité?
Nadya Toto: Je suis végétarienne, mais j’adore le fromage! Mes parents italiens qui m’ont élevée à St-Léonard, étaient des hippies et se souciaient de la santé et de l’alimentation. Je crois aussi à l’amour. C’est la seule chose que l’on amène avec nous quand on part. J’ouvre les bras vers l’univers et je remercie la vie tous les jours.
J’aime aussi donner, mais pas recevoir. Ce qui me fait plaisir, c’est quand je reçois des courriels de femmes que j’habille. Je rencontre mes clientes quand je vais visiter les boutiques qui vendent mes vêtements. Le moment qui me reste en mémoire? Le jour où une femme m’a remerciée en me disant qu’elle se sentait belle et heureuse quand elle portait mes tenues… Elle m’a raconté qu’elle venait de passer à travers une chimio pour un cancer. J’étais très émue. Tu sais, mes robes, c’est juste du matériel. Mais ça? C’est ma motivation. Celle de rendre les femmes heureuses.
CRÉÉES POUR LA FEMME LIBRE
Mitsou Gélinas: En portant tes dernières tenues, je me disais que le fait qu’elles étaient créées par une femme se ressentait. Il y a un confort incomparable. Il y a de l’élasticité et on est totalement libre de nos mouvements. La plupart sont lavables à la machine en plus!
Nadya Toto: Tu sais aussi que je ne mets jamais de fermeture éclair? Mes matières sont bi-extensibles et moulent le corps. Pour y arriver, je mets beaucoup d’attention à choisir mes matières qui doivent durer des années, même en les lavant à la machine. C’est ça, la mode durable. On ne gagne rien si on achète un article au quart du prix et qu’il se désintègre après un mois. Je porte encore certains vêtements que j’ai créé il y a 20 ans, et ils sont toujours aussi beaux.
Mitsou Gélinas: Parles moi de ta dernière collection.
Nadya Toto: Elle est très garden party. J’aime beaucoup les imprimés floraux. Je me suis inspirée des femmes au Kentucky Derby qui vont voir les courses de chevaux et j’ai surtout choisi des couleurs joyeuses qui donnent du teint. Tu as pu l’expérimenter à Bonsoir Bonsoir d’ailleurs. Tu avais l’air d’un soleil! Et que dire de la robe de ton dernier shooting photo! Tu as d’ailleurs choisi mon motif préféré de la collection, d’inspiration de jungle brésilienne.
Souvent les femmes ont comme première réaction de dire qu’elles n’aiment pas les imprimés, mais pourtant elles doivent comprendre qu’il faut les essayer. Les motifs prennent vie et se transforment sur chaque femme.
La collection Nadya Toto est disponible sur Mitsou Boutique ici.