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Survivre à l’infidélité

Celles et ceux qui sont passés par là le savent: rien n’est plus douloureux, dans une relation amoureuse, que d’apprendre que l’autre nous a trompé. Comment rebâtir la confiance après une telle blessure? Pourquoi l’autre a-t-il succombé? Devrait-on partir, ou bien rester? Et si on pardonne, comment faire pour que cette infidélité n’empoisonne pas à la longue notre vie de couple, notre quotidien, notre famille? Dans l’éclairant ouvrage Trahir, qui vient de paraître, la sexologue, psychothérapeute, auteure et conférencière Sylvie Lavallée répond à toutes ces questions, et à bien d’autres. On lui a jasé de ce sujet brûlant.

Quel objectif aviez-vous en tête en écrivant ce livre?

Mon objectif était vraiment d’aider les gens. J’ai voulu décortiquer ce phénomène en adoptant une perspective un peu plus philosophique et aborder autant le fait de trahir, d’être trahi que les conséquences dramatiques sur la relation de couple. Donc, aider les gens qui n’ont pas la chance de consulter, qui n’en ont pas les moyens ou l’envie, mais qui sont aux prises avec des enjeux de trahison, qui n’ont personne à qui se confier et en parler. Et par les exemples cliniques choisis, j’espère qu’ils vont pouvoir se sentir interpelés, compris, comme si j’étais un peu dans leur tête, parce que j’en ai vu d’autres: ça fait 25 ans que je pratique, mais au moins 15 ans que je me spécialise dans les enjeux liés à l’infidélité.

J’ai voulu expliquer qui sont ces personnes qui trahissent, pourquoi elles le font, comment la personne trahie vit cette ambivalence de rester avec quelqu’un qui lui a fait tant de mal: est-ce possible de refaire confiance alors que je lui en veux, que j’ai envie de me venger, que je souffre, hurle ma rage et ma colère? J’ai voulu aussi expliquer la coresponsabilité dans l’infidélité: on est deux impliqués dans la relation, si un des deux a jeté la serviette, a décidé de tromper, peut-être que c’est en réaction à l’indifférence, qui peut être une forme de trahison sourde et sournoise dans une relation. Alors, comment le couple se relève-t-il de ça? En psychothérapie, je réimplique les deux parties, on ne parle pas que de la douleur, on examine ce qui s’est passé, et surtout pourquoi.

Quelle est la principale raison qui pousse quelqu’un à tromper?

Il n’y en a pas qu’une, mais plusieurs, et elles dépendent des circonstances. Ce n’est pas prémédité. Il n’y a pas un infidèle qui m’a dit être fier de tromper. C’est encore quelque chose qui ne passe pas en société, mais de le faire quand même, ça peut parfois être un appel à l’aide: l’envie de fuir une relation qui est devenue insupportable, où il y a de l’incommunicabilité, où comme je le disais précédemment, un des deux a jeté la serviette, où il y a l’impression de ne plus compter pour l’autre et où, malgré plein de revendications et récriminations, rien ne change. L’infidélité révèle et réveille beaucoup pour l’infidèle de ce dont il a besoin, ce qu’il lui faut à ce moment-ci de sa vie.

Mais l’infidélité ne se produit pas qu’à cause d’insatisfactions conjugales. Il y a des récriminations identitaires aussi, des gens qui ont changé, qui ont évolué, qui ont envie de se donner cette permission-là, qui ont besoin de retrouver un désir perdu, une vibration intérieure, de se sentir exister. Bref, il y a plusieurs raisons.

Pourquoi est-ce plus facile de tromper que de quitter?

En fait, tromper, c’est quitter sans quitter. C’est plus facile de ne pas affronter une séparation, un divorce, une garde partagée, séparer un patrimoine, devoir déménager, porter l’odieux devant les enfants, la famille, les amis. Il y a des gens pour qui c’est une stratégie, qui peut certes paraître lâche, parce que pourquoi ne pas avoir essayé de s’assoir pour trouver un terrain d’entente, ou être allé consulter à deux, ou avoir impliqué un peu plus le partenaire dans ce que l’on vit, ce qui se passe, à quel point on est insatisfait, à quel point on est en train de se désinvestir et de se désengager?

Donc, c’est comme une façon d’avoir un pied sur le quai et un pied dans la chaloupe, un pied dans le présent, un autre dans l’avenir. D’avoir cette sensation d’équilibre que j’ai une vie ordinaire, mais une liaison extraordinaire et ça évite la solitude, le fait de se retrouver célibataire et peut-être de devoir refaire sa vie.

Que penser de l’adage qui a trompé trompera?

Je dirais que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas ce que j’observe dans mon bureau. Il y a des contextes et des circonstances. Il y a des situations identitaires, des situations conjugales qui font qu’à un moment, la personne se sent plus vulnérable, plus fragile, est plus dans le doute et tergiverse quant à l’avenir de sa relation. Donc, si la relation prend fin, qu’elle se retrouve dans une autre relation avec quelqu’un qui est plus en mesure de satisfaire ses besoins, ses attentes, et correspond plus à ce qu’elle veut, elle ne sera pas dans le même tourment de vouloir prendre la porte de côté.

Qu’est-ce que ça dit sur une personne d’être un infidèle chronique, et peut-elle en guérir?

Un infidèle chronique, c’est un mode de vie. Alors, il y a des gens qui ont une âme de polyamoureux, polysexuel ou polygame, des gens qui sont très, très pluriels. Est-ce que ça sous-entend des problèmes d’engagement, que ce soit consciemment ou inconsciemment? Qu’est-ce que ça veut dire, s’engager? Parce que l’infidèle, c’est quelqu’un qui se désengage, qui abandonne, donc quelqu’un qui le fait de façon chronique, il y a clairement un défi dans l’investissement amoureux. C’est un peu comme s’il ne renonce pas.

Et ces gens-là qui viennent consulter, qui sont tannés d’être dans un mode de vie plus cigale que fourmi, ont parfois envie de se déposer. Arrive une période, souvent plus à l’automne de leur vie, où ils ont envie de choisir, de s’engager et de plus juste errer. Alors oui, ça se guérit. Mais il faut que la personne observe son mode de vie et en souffre, ça, c’est bien important. Il faut qu’elle se dise: «Il est temps que je passe à autre chose parce que je m’aide pas, parce que c’est pas une vie, parce que je m’étourdis et ce n’est pas ce que je veux dans ma vie.»

Comment la personne trahie peut-elle rebâtir sa confiance en l’autre?

C’est une grande, grande question, parce que l’enjeu de la réparation passe effectivement par le fait de rétablir la confiance. Et pour ça, il faut des remords sincères du traître. Il faut qu’il reconnaisse avec authenticité ce qu’il a fait et en prenne la responsabilité. Et faire bien attention à la minimisation, parce qu’à peu près toutes les personnes infidèles minimisent et banalisent. Je pense que j’ai écrit deux pages dans le livre là-dessus! Que ce soit en disant: «Je l’ai vue juste une fois, je ne l’aimais pas, j’ai porté le condom, je n’ai pas eu de plaisir, j’ai pensé à toi tout le long, cette personne n’est jamais venue à la maison, je n’ai pas passé une nuit complète avec, ce n’est pas quelqu’un que tu connais». Peu importe les raisons pour se dédouaner. Parce que l’infidèle, par stratégie, veut toujours minimiser, faire comme si c’était presque rien et très accessoire. Alors, quand on veut regagner la confiance, il faut montrer patte blanche, avoir un jeu ouvert et y aller avec sincérité et responsabilité.

Et aussi, parce que la trahison avait lieu en l’absence de l’autre, il faut maintenant une présence irréprochable: un engagement ferme et sincère dans une présence au quotidien, dans l’écoute attentive, dans la considération, dans les projets à court, moyen et long terme et dans le rétablissement d’une intimité. Parfois, la personne trahie veut user de technologie et géolocaliser l’autre, faire des appels vidéo pour savoir avec qui l’autre est, où il est, sur une certaine période, pour aider à rétablir la confiance. Parce qu’il y a eu une accumulation de mensonges. En outre, la personne trahie ne doit pas se gêner pour dire ce dont elle a besoin: «Je veux que tu arrêtes de faire ça. Je veux avoir plus de ceci, plus de cela.» Elle doit établir ses conditions pour que la relation continue d’avancer et essayer de retrouver un peu d’espoir.

Vous écrivez que la décision de rester est périlleuse. À quelles conditions un couple peut-il survivre à l’infidélité?

La décision de rester est périlleuse parce qu’on avance avec un vent de face. Et sur cette route-là, il y a énormément de nids-de-poule à cause du «traumatisme». La personne trahie devient excessivement méfiante et ce qu’elle craint et redoute le plus, c’est qu’il y ait encore trahison et mensonge. Donc, à quelle condition on peut survivre? À celle-ci: comprendre pourquoi c’est arrivé. Le mot «pourquoi» a toute son importance. Pourquoi j’ai agi comme ça, pourquoi je l’ai fait quand même, même si je savais que ça allait te faire du mal? Pourquoi j’ai relancé cette personne-là? Quelle était mon intention? Qu’est-ce que je cherchais? Parce que si on n’arrive pas à comprendre l’intention derrière la trahison, on s’expose à des risques de récidive. Et c’est ça qui fait que c’est difficile.

Il est toujours plus facile de quitter. On s’est fait du mal, merci, bonsoir, je pars. Mais rester, c’est se tendre la main parce que j’ai admis mon erreur. Et la personne trahie doit aussi reconnaître sa part de responsabilité. Est-ce que moi aussi, je me suis désengagée et je n’ai rien fait pour essayer de raviver la relation? Donc, il faut qu’il y ait deux personnes qui se réengagent. Et c’est comme au jeu de serpents et échelles. On peut faire des gains et, à un moment donné, il y a un élément qui déclenche une émotion, qui ravive le souvenir, qui crée une humeur maussade et tout devient beaucoup plus compliqué. La personne trahie est souvent dans un état de mélancolie, de tristesse parce qu’il y a un deuil du nous d’avant et du nous de maintenant. Et c’est ça qui est difficile.

Mais rester, c’est très courageux et le couple peut se relever et grandir immensément dans cet exercice-là, parce que les deux ont l’occasion et le défi de nommer avec le plus de clarté possible ce qu’il leur faut présentement pour s’aimer mieux.

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