«Pourquoi Clovis a-t-il si peur des nuages? Personne ne le sait. Même pas sa maman!»
Après avoir publié son récit autobiographique Deux garçons à la mère, un livre qui brise les tabous avec Dame mature et une bande dessinée pas piquée des vers avec Capitaine Aime-Ton-Mou contre les ténèbres du suif, Guylaine Guay nous revient en force avec un tout nouveau livre pour enfants! Celle qui nous avait attendris au printemps 2019 avec Clovis est toujours tout nu revient avec ce nouvel album qui démontre qu’on peut parler de différence avec humour et faire réfléchir les enfants tout en les faisant rire. Dans Clovis a peur des nuages, dont l’histoire est inspirée de l’enfance de son fils Clovis (qui est autiste non verbal), vous découvrirez comment la super-maman arrive à composer avec les petites et grandes peurs de son adorable petit garçon plus que frisé!
Un livre sur l’amour d’une maman… qui peut être celui de toutes les mamans!
Après avoir sorti Clovis est toujours tout nu l’an dernier, tu nous reviens en force et nous démontres que l’on peut parler de différence avec humour et faire réfléchir les enfants tout en les faisant rire. C’est définitivement une grande force chez toi!
Absolument! Toujours avec les illustrations sublimes d’Orbie, avec qui je fais équipe pour ce deuxième album jeunesse. Orbie a compris toute la douceur et la subtilité du propos, parce que l’on ne nomme jamais l’autisme dans le livre. Clovis, c’est juste un petit gars frisé, comme mon fils Clovis lorsqu’il était petit. La seule différence, c’est qu’il a des particularités! Évidemment, il est non verbal, donc dans chacun des livres, il dit seulement un mot. Dans le premier livre, c’était «bobette», et dans le deuxième, c’est «soleil» (rires)! Le premier livre, c’était vraiment à propos des particularités de nature sensorielle. Clovis est hyposensible, donc les vêtements, ça l’agace, ça l’agresse complètement. Les coutures, les zips, les boutons et tout ça, ça ne l’allume pas du tout! C’est pour ça que, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, il se déshabillait tout le temps. Il n’était pas capable de tolérer les vêtements. Le deuxième livre, c’est vraiment sur le fait que Clovis a peur des nuages. C’est toujours le cas, encore aujourd’hui à 17 ans, presque 18! Clovis est extrêmement affecté par la météo et par la pression atmosphérique. Les orages, ça le fait capoter! On peut passer des heures dans la salle de bain, la seule pièce de la maison où il n’y a pas de fenêtres! On y a installé des coussins, et dans ce temps-là, on va s’y blottir et on écoute des séries. Il y a pas mal d’orages ces temps-ci, alors on a passé beaucoup de temps dans les toilettes cet été (rires). Clovis a peur des nuages porte vraiment sur cette grande préoccupation de Clovis, pour qui la météo est terriblement anxiogène. J’ai une application sur mon téléphone sur laquelle on regarde la météo à tous les jours, pour voir s’il y aura des précipitations ou non. Donc, ce sont des petites choses que les parents ne font peut-être pas habituellement, mais qui font entièrement partie de mon quotidien!
Une fois de plus, ce bouquin pour enfants sert à montrer que, parfois, on rencontre des enfants qui ne sont pas comme les autres, qui ont des comportements que l’on pourrait qualifier d’«un peu bizarres» pour nous, les neurotypiques. Il faut savoir que l’on s’y habitue et que les parents sont toujours en mode solution. Les personnes autistes comme Clovis ont souvent des peurs irrationnelles, donc pour nous, ça n’a pas de sens (telle la peur des nuages). Par contre, pour lui, la réalité est toute autre; puisqu’il a une mémoire photographique, ça change le ciel et ça le déstabilise. De notre point de vue neurotypique, ça semble très surréel, mais pour lui, c’est très concret. Les parents doivent donc être à l’écoute, afin de savoir trouver la bonne solution pour leur enfant, comme dans le livre!
Justement, tu abordes beaucoup de thèmes qui te sont chers dans le livre, tels que le droit à la différence, les troubles du spectre de l’autisme, l’ouverture aux autres et l’amour des parents, mais tu ne nommes jamais rien!
Non! Mon éditeur, La Bagnole, a bien compris l’angle que je voulais aborder… C’est-à-dire que c’est vraiment un livre pour tout le monde, pour tous les enfants. Les enfants ont une super belle élasticité en ce qui concerne l’acceptation. Un adulte peut être assez conservateur dans ses convictions, mais un enfant, quand il lit ou voit la différence, comme quelqu’un qui a peur des nuages, et bien lorsqu’il va rencontrer une personne avec ce trait, il va peut-être se dire qu’il a déjà vu ça dans un livre. J’ai d’ailleurs reçu plein d’histoires après la publication de Clovis est toujours tout nu. Plusieurs parents m’ont écrit en me disant qu’ils avaient vu un enfant à la piscine, qui faisait du flapping (qui se promenait sur le bord de la piscine en agitant ses mains) et qui enlevait son maillot… Les enfants se sont dit que c’était un Clovis! Ça me fait très chaud au cœur de savoir ça. Je suis contente de voir que je peux parler de la différence, toujours évidemment avec de l’humour, de la douceur, et toujours un peu en catimini, pour ne pas rentrer la morale de force non plus. Mais, c’est la vérité! C’est vraiment inspiré de ma vie avec Clovis.
D’ailleurs, Clovis a déjà eu sa chambre dans un walk-in. On habitait un appartement et il avait une très grande garde-robe. Comme elle n’avait pas de fenêtres, c’est là que Clovis allait instinctivement. C’est sûr que ce n’est pas courant, mais on l’a fait lorsqu’il était petit! Et il était tellement bien! On a enlevé la porte et on lui a installé un rideau en velours pour couper la lumière et les sons, une petite lumière, son lit, sa table de chevet et ses livres. Écoute, je pense qu’il n’a jamais été aussi heureux dans une chambre que dans cette garde-robe, pendant environ 3 ans! Ce sont vraiment des solutions que l’on trouve sur le tas, au fur et à mesure. Je pense qu’il faut écouter nos enfants… C’est sûr que Clovis est non verbal, donc c’est plus compliqué de savoir ce qu’il aime ou non, mais il faut être un fin observateur en vue de comprendre ses réactions. Le livre, ce n’est pas non plus une morale aux parents, disant comment je suis parfaite, comment moi j’ai dealé avec cette situation-là. C’est plutôt pour raconter que j’ai vécu l’impuissance, que je ne savais pas quoi faire, avant d’observer et trouver la solution qui s’appliquait à mon fils. Mais, vous savez quoi? Parfois, on ne trouve tout simplement pas de solution. C’est comme ça! Il y a encore une multitude de choses que je ne comprends pas en ce qui concerne Clovis, et devant lesquels je me gratte les méninges. C’est du work in progress!
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Tu utilises ton humour pour sensibiliser les gens à la différence. Dans ton nouveau livre, ton humour passe aussi par les jeux de mots en lien avec la nourriture… Ça donne quasiment faim (rires)!
Je sais, je sais (rires)! Les enfants, pour moi, c’est un public intelligent, c’est un public avec une grande ouverture d’esprit, donc je voulais simplement colorer le tout et qu’il soit facile à comprendre. C’est la même écriture que j’ai pour les adultes, qui est une écriture qui est très imagée. Quand les gens me lisent, ils me disent toujours qu’ils voient ce qui est écrit comme un film dans leur tête. Là, j’ai la chance d’avoir Orbie qui le dessine, le film (rires)! Je suis aussi gourmande de nature, donc c’est sûr que la bouffe, c’est appétissant pour tout le monde. Orbie l’a aussi très bien mis en image, avec des crêpes, des sucettes et tout. On a réussi à faire quelque chose d’amusant. Je capotais déjà sur Clovis est toujours tout nu, parce que je le trouvais tellement beau! Quand Orbie a dessiné le deuxième livre, je me suis exclamée encore plus fort! Je le trouvais encore plus beau que le premier. C’est tout un feeling de recevoir son livre et de le regarder. Je l’ai lu à Clovis… et mon fils Léo, la première chose qu’il a dite, c’est: «Bon, enfin! Mon frère n’est pas tout nu sur un livre!» (rires).
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Lire l’histoire de mon fils à mon fils…. Ensemble pour aplanir la courbe ❤️
Que préfères-tu chez Orbie?
Sa grande ouverture d’esprit et comment elle a accueilli mes histoires… Je pense qu’elle est tombée en amour avec Clovis (rires)! J’imagine que ça aide, qu’elle aime tant le personnage. C’est vraiment une association organique, entre Orbie et moi. Elle habite en Gaspésie, donc on ne se voit pas toutes les fins de semaine (rires), mais on s’écrit une fois de temps en temps. Elle m’envoyait également les ébauches du livre. J’aime sa douceur et les couleurs qu’elle utilise. C’est doux, c’est beau! Ça ressemble beaucoup à ma façon de voir les choses. Orbie, c’est comme ça qu’elle le transpose dans ses illustrations, alors je suis vraiment ravie. Il y a eu la COVID-19 et ça a un peu ralenti nos élans, mais on travaille sur un troisième et un quatrième livre! C’est une association qui me semble vraiment être un match parfait.
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Justement, en parlant de la COVID, tu as annoncé sur les réseaux sociaux que tu as profité du confinement pour écrire tes deux prochains livres pour enfants. Sur quoi porteront-ils?
C’est toujours sur des comportements que l’on appelle «typiques» des personnes autistes comme Clovis, qui sont non verbales. Évidemment, c’est inspiré de MON vécu avec Clovis, parce que je tiens à souligner que toutes les personnes autistes ne sont pas pareilles! Les gens mettent parfois tout le monde dans le même bateau, mais chaque personne autiste a sa personnalité et ses traits propres à elle-même. Les histoires sont donc basées sur Clovis, mais ça ressemble aussi à celle d’autres jeunes comme lui. Le troisième livre portera sur les comportements répétitifs qu’ont les personnes autistes comme Clovis, comme marcher sur la pointe des pieds ou faire du flapping (agiter les mains de façon dynamique). Le quatrième, il n’est pas encore écrit, mais j’aimerais me pencher sur les comportements alimentaires de Clovis… ses petites rigidités, ses petites particularités au niveau de l’alimentation. Chaque livre couvre donc vraiment, sans jamais le nommer, un type de comportement qui est lié à un enfant autiste comme Clovis.
Mon fils Léo, qui est verbal et «hautement fonctionnel», n’a pas les mêmes comportements que Clovis. Je le mentionne, parce que je ne veux pas froisser des personnes autistes qui ne sont pas comme Clovis, qui ne se promènent pas tout nu ou qui n’ont pas peur des nuages!
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Ça y est, Clovis-arrache-toutttttes-les-étiquettes a trouvé le cannage !!!!! 😂 #autisme
Vas-tu écrire un livre sur le fait que Clovis retire toutes les étiquettes des diverses bouteilles (comme sur l’image ci-dessus)?
Écoute (rires)… Orbie m’a dit que c’était bien drôle, elle aussi! Comme c’est récent, ça mijote dans ma tête, c’est certain. Ce sera sûrement le sujet du cinquième livre (rires)! C’est bel et bien dans mon carnet de notes. En tout cas, je suis vraiment contente, parce qu’Orbie m’écrit parfois elle-même pour me donner de bonnes idées. Elle a vraiment bien compris l’univers de Clovis et c’est vraiment la meilleure pour le mettre en images. Aussi, avec Clovis, il y a toujours des choses qui changent, ses lubies changent au fil des ans. Donc, je ne pense pas que l’on va manquer d’inspiration avec lui!
Sinon, qu’est-ce qui s’en vient pour toi dans les prochains mois?
J’ai fini de tourner la deuxième saison de Des familles comme les autres à AMI-télé au cours des dernières semaines, après un gros mois de juillet de tournage post-COVID (dans un environnement super sécuritaire, évidemment). Je suis de retour à la radio depuis la fin août, pour une troisième saison avec mes collègues. Je travaille aussi avec mon éditrice Nadine Lauzon chez Groupe Librex pour… un livre de recettes! Je cuisine, entre tous ces beaux projets, et chaque fois que je mets une photo de quelque chose, tout le monde veut la recette. Je ne sais pas quand le livre verra le jour, mais probablement dans l’année qui s’en vient, au printemps 2021. Je pense que ça va être beau et bon! Je ne crois pas faire un type de recettes X… La nourriture, c’est réellement une de mes passions. J’aime découvrir! D’ailleurs, j’ai été végane deux ans et j’ai découvert plein d’affaires que je cuisine encore. Les fruits de mer, c’est aussi mon dada. Bref, voilà, c’est mon nouveau projet! Assurément, ce sont toutes des recettes que mes propres enfants ne mangent pas (rires), mais ce n’est pas grave… Je vais en parler dans mon prochain livre!
Psssst! On pourra entrer dans l’univers musical de Guylaine Guay le 31 octobre prochain à En direct de l’univers!
Clovis a peur des nuages, qui paraît aux Éditions de la Bagnole, est disponible dès aujourd’hui en ligne (19,95$) et en librairie.
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