Êtes-vous de ceux qui aiment écrire leur journal intime chaque soir, une fois le week-end ou une fois par année ou décennie? Perso, tenir ce magazine en ligne peut parfois me donner l’impression que je me penche sur une partie, ou même une problématique de ma vie qui est non résolue. L’écrire me permet toujours de trouver des explications et de nouer une boucle. Alors que je clique sur send pour envoyer à ma rédactrice en chef Josée, je me pose huit mille questions. Elle va penser que je suis folle. Tout le monde va penser que je radote… Et pourtant, c’est quand je publie mon texte que les réponses arrivent. Je réalise que nos questions existentielles se croisent et même se ressemblent bien souvent.
En passant, pendant que j’écris ce bout de texte, mon chum est descendu au rez-de-chaussée et s’est plaint que j’ai laissé la lumière du garde-manger de la cuisine allumée. Ça le choque ben raide. C’est alors que notre sempiternelle discussion a commencé…
-C’est comme si je laissais le robinet allumé!
-Mais chéri, je ne suis pas encore sortie de la cuisine. Je fermerai tout en même temps quand le soleil se lèvera (il est 5h30).
-Bébé, pourquoi ne l’as-tu pas éteinte quand tu as fermé la porte?
-Ché pas moi… Peut-être que ma toast brûlait et que je me suis dépêchée à sortir le beurre de peanut…
Je soupire. Il soupire.
Il ferme la lumière du garde-manger puis monte les escaliers. Je ferme les yeux et replonge, tristounette, dans mon ordi. Nous retournons dans notre monde de conjoints solitaires après cette lutte de pouvoir anodine, mais surtout non résolue et récurrente depuis 20 ans. La lumière…. Le compte d’électricité.
Pourquoi ce sont toujours les petites choses qui nous gossent le plus? Sont-elles des symptômes de grosses choses latentes, comme des monstres en hibernation qui se réveilleront un jour sans crier gare?
Selon l’examen de 6e année de ma fille Mila à ce sujet, l’électricité est un mouvement d’électrons au sein d’une matière. Dans un couple, le courant doit passer d’un à l’autre, sans que l’interrupteur se ferme. C’est notre capacité de reconnecter qui fait que la charge -ou le coeur- se vide ou pas.
Des scènes comme celle que j’ai vécue ce matin, il s’en joue chez vous aussi? Je suis certaine que si vous partagiez une partie de votre intimité sur papier, je me reconnaîtrais aussi. C’est pourquoi ces écrits sont d’or à mes yeux.
Avec électricité: l’application Perspectives
Je reviens à l’écriture du journal intime. J’en ai pleins que je commence et que je reprends d’une manière aléatoire et très irrégulière. Les plans de travail croisent les pages de mes moments les plus sensibles. Les jours ni même les années se suivent. Disons que si un jour, un biographe voulait reprendre mon histoire, il aurait tout un casse-tête! Il y a quelques mois, alors que je venais de vivre une frustration familiale semblable et que j’avais besoin de coucher ma peine, je me suis mise à chercher le meilleur journal intime sur le net. Oui, oui. Puisque je préfère ma vie sans papier munie d’un iPad, j’ai commencé à surfer le App Store pour trouver la meilleure option. J’ai trouvé en Perspective une option très intéressante. D’un design simple, l’appli nous permet d’ajouter nos écrits et des photos, mais surtout, de créer des étiquettes personnalisées comme des impressions, des activités ou des émotions, qui font partie de votre équilibre de vie et qui peuvent être évaluées avec un code de couleurs au gré des jours. Disons que vous ajoutez 6 étiquettes qu’il vous faut pour être bien: aller dans la nature, vous entraîner, apprendre quelque chose de nouveau, voyager, manger santé. Chaque jour, on peut mettre en vert (si on a fait) ou en rouge (si on n’a pas fait) et faire un survol à la fin du mois ou de l’année pour voir en un clin d’oeil qu’est-ce qui manque à notre bonheur. On peut aussi y ajouter des étiquettes d’émotions pour voir lesquelles nous prennent plus la tête.
Ce matin La Presse a publié un joli dossier sur les journaux intimes. Leurs suggestions ici.
«La paix, c’est pour les vieux de quarante et cinquante ans. Moi, j’attends mon Expérience. J’attends la venue du Diable.» Mary MacLane
Sans électricité: Que le diable m’emporte
Les journaux intimes font aussi les meilleurs lectures. Mon préféré? Que le diable m’emporte de Mary MacLane, une canadienne de Winnipeg émigrée aux États-Unis, au Montana précisément, qui devint notre première autrice best-seller canadienne (100 000 exemplaires en un mois en 1902!) Peut-être parce qu’elle une est femme ou que ses oeuvres suivantes ne connurent pas un succès aussi retentissant, elle est ensuite passée dans l’oubli. Les Éditions du sous-sol ont eu la brillante idée d’éditer ses oeuvres pour la première fois en français il y a quelques mois seulement et j’ai mis la main sur un exemplaire. Pourquoi ce journal est aussi passionnant? Parce que l’on y lit une jeune fille de 19 ans qui se présente comme étant un génie. Déjà là, c’est toute une déclaration. Et en la lisant, on la croit sur parole. En fait, on comprend son extrême sensibilité et son acuité. Son caractère aigü fait de son journal une expérience intense.
Mary MacLane est bien seule. Elle rejette les membres de sa famille qui sont inintérressants à ses yeux. Elle badtripe même sur leurs brosses à dent qui sont alignées côte à côte.
«La vision de ces brosses à dents, jour après jour, semaine après semaine après semaine, à jamais, occasionne l’une des situations les plus terriblement exaspérantes de ma vie stupide, écrit-elle. Je ressens avec une folle violence mon impuissance.»
Mary n’est pas mariée. Elle passe ses journées à marcher et à réfléchir sur le «sable stérile» du Montana et doit apprendre à vivre avec ses pulsions et son désir charnel. Elle veut plus que tout faire un pacte avec le diable pour enfin pouvoir vivre un moment d’intensité suprême. Rien qu’un. Et elle pourrait enfin mourir, malgré sa jeunesse. Ses mots nous frappent et réveillent l’adolescent que nous avons été.
«Laissez-moi faire mon entrée, laissez-moi frapper le monde là où il est vulnérable et je ferai sensation»
Ou encore, ils nous font reconnaître nos propres ados aux mouvances d’émotions vertigineuses.
«Moi, membre du genre féminin et âgée de dix-neuf ans, je m’apprête à dresser un portrait aussi franc et complet que possible de moi-même, Mary MacLane, qui n’a pas d’égal dans ce monde. J’en suis convaincue, je suis étrange. Depuis ma naissance, je me distingue par mon originalité et ce n’est pas fini. Je possède une intensité vitale totalement inhabituelle. J’ai le don de ressentir. J’ai une aptitude merveilleuse pour le malheur et pour le bonheur. J’ai une grande ouverture d’esprit. Je suis un génie.»
Les journaux intimes sont la voix de l’âme, quand on prend le temps de noter nos pensées, ou lire celles des autres, que cela soit avec, ou sans électricité.
Et vous, êtes-vous papier ou un écran?