Je ne me comprends plus. Je suis dans l’urgence de moi aussi de «libérer Britney» depuis que j’ai visionné le documentaire du New York Times Framing Britney Spears.
Je porterais le t-shirt avec un carré rose et le hashtag #FreeBritney et déchirerais ma chemise avec presque autant d’engouement que ses fans les plus solides, l’armée Free Britney qui a créé ce mouvement et qui organise aujourd’hui même un rallye virtuel pour informer et sensibiliser la population de ce drame humain à saveur extrêmement machiste. Les révélations divulguées dans le documentaire présenté sur Hulu aux É.-U. et pas encore disponible au Canada, m’ont convaincue que cette pop star des années 90 et 2000 est en train de vivre un drame humain qui s’approche du féminicide, car on tue cette femme à petit feu. Laissez-moi vous expliquer.
À 39 ans, Britney est sous la tutelle (physique et financière) de son père depuis plus de 12 ans et le sera selon les jugements, jusqu’à la fin de ses jours. Elle se bat en justice depuis plusieurs années pour s’en libérer, mais en vain. Celle qui jusqu’à récemment remplissait le théâtre de sa résidence à Vegas et gagnait 1 million de dollars par semaine refuse maintenant de travailler. Elle ne fera pas un sou jusqu’à ce que la justice accepte de nommer quelqu’un d’autre que son père pour gérer ses avoirs et reprendre le contrôle de sa vie. Tout ce qu’elle souhaite et demande en ce moment, c’est que l’entité de gestion contrôlant la tutelle soit indépendante (comme une banque) ou du moins sans apparent conflit d’intérêts.
Imaginez-vous que vous êtes une femme adulte et que quelqu’un a le pouvoir décisionnel sur les contrats que vous accepterez pour le reste de vos jours. Imaginez que vous travaillez comme une dingue tous les soirs en performant devant des milliers de personnes, mais que vous avez le contrôle sur rien, tant sur vos finances que sur qui peut vous rendre visite à la maison. Oh! Et que vous êtes aussi surveillée par des gardes de sécurité 24h sur 24?
Imaginez de surcroît que l’avocat qui gère votre tutelle avec votre paternel demande une augmentation de salaire en mentionnant que vous allez très bien, que les prochaines années seront très profitables et que la tutelle dont vous êtes la victime est un excellent modèle d’affaires hybride? Ce que vit Britney en 2021 est révoltant.
Imaginez que votre mère supplie le juge de vous donner des jours meilleurs et que cela ne soit pas entendu. Imaginez que votre propre frère déclare en entrevue que «les femmes de la famille ont des têtes dures, qu’elles veulent faire comme elles veulent et que c’est très dérangeant pour les 2 hommes de la famille?»
Le documentaire du New York Times aidera peut-être la cause de Britney même si les médias sont en partie responsables de ce drame humain.
Pourquoi Britney est-elle sous tutelle?
Les problèmes ont commencé quand elle a voulu s’affranchir. Au départ, Britney était une «bonne fille» dont tout le monde abusait. La famille, les médias et la société. Elle a commencé à travailler à l’âge de 10 ans. Dès les premières rencontres avec des agents potentiels, le père disait qu’elle allait le rendre riche et qu’elle allait lui acheter un bateau. Depuis ce temps, elle fait vivre sa famille.
Quand les paparazzis ont commencé à envahir sa vie, Britney n’était pas protégée. Le documentaire démontre d’ailleurs le changement de la jeune Britney souriante qui salue les photographes au début de sa carrière et quelques années plus tard, la star qui est mentalement et physiquement écrasée par leur présence constante. Quand elle se marie avec Kevin Federline, tombe enceinte rapidement et a eu deux enfants le temps de le dire, le cirque médiatique devient encore plus violent. N’oublions pas qu’à cette époque, les artistes n’avaient pas de réseaux sociaux pour raconter eux-mêmes leur histoire en direct comme aujourd’hui. Les médias choisissaient bien souvent le narratif le plus payant pour eux.
Un jour, stressée par la foule de photographes qui lui hurlent des commentaires volontairement dérangeants alors qu’elle sort d’un immeuble avec son bébé dans les bras, elle panique et décide de se sauver au volant de sa voiture, le bébé sur ses cuisses. On lui colle dès lors l’étiquette de mère indigne, de folle. Personne n’a même l’idée qu’elle pourrait être en dépression post-partum. À cette époque pas si lointaine, souffrir de maladie mentale était encore bien honteux et surtout, tabou. Comme le dit si bien un intervenant du film, regarder cela et penser que l’attitude de mauvaise fille de Britney est le problème prouve que nous sommes une société de vautours.
Siphonnée dans une spirale où Britney est prisonnière de tout, entre son ex-mari contre lequel elle se bat pour la garde de ses enfants, son père qui veut son âme et les paparazzis qui l’empêchent de sortir le bout du nez dehors, elle perd ses repères. On comprend entre les lignes qu’un pacte avec le diable se fait. Dès que Britney accepte la tutelle de son paternel, elle accède soudainement à plus de droits de visite de ses enfants. Quelle triste ironie…
L’un des moments les plus saisissants de ce documentaire est la présentation de la triste et mémorable vidéo où elle se rase les cheveux dans une vitrine de salon de coiffure en regardant avec défiance les paparazzis. On réalise qu’elle ne frôlait pas tant la folie qu’on le suggérait. Ce moment cru et dur semble plus être le geste de rébellion ultime d’une guerrière captive. En espérant que l’armée de fans de Britney Spears réussisse à défoncer les portes et à gagner la guerre de Troie.