Cet été, j’ai revu un cowboy blond, celui qui a fait flamber les cœurs des femmes en 1993 alors qu’il chantait son Achy Breaky Dance. Il est venu chanter pour une amie à moi dont l’un des rêves farfelus était de voir Steph fredonner ce hit country juste pour elle. C’était tout un flashback, autant pour elle que pour moi! J’ai partagé bien des scènes avec Steph, sympathisé dans bien des loges de studios, mais nous ne nous étions jamais assis ensemble après un show, verre à la main pour faire plus ample connaissance. Qui aurait pensé que cela se serait passé en 2021, sur le bord d’une piscine dans les Laurentides, alors que nous sommes tous les deux passés à autre chose, même si malgré nous, le mythe du chapeau de cowboy nous suit encore?
Première chose à dire, le Achy breaky boy n’a pas changé d’une miette et aux yeux des femmes invitées, il est toujours aussi plaiiiiisant à regarder! À 56 ans et malgré ses pattes d’oies, Steph a toujours l’air d’un ado de 16 ans. Il a gardé son air souriant, mais réservé. Comme un gars qui ne veut pas prendre trop de place, mais qui prend son envol quand on lui demande de chanter. Mais pendant cette soirée chaude et étoilée, il était encore plus passionné de me parler de ce qui l’occupe en ce moment.
Le don de soi, Steph Carse connaît. J’ai même l’impression que cela fait partie de son quotidien. Il a rencontré sa femme Natasha en Floride, là où ils habitent encore. Elle est une conseillère financière bien impliquée qui fait du bénévolat en donnant des ateliers en gestion de budget à de jeunes femmes voulant sortir de la rue. Ils se sont connus dans une levée de fonds et la lumière fut. Ils ont rapidement fondé un couple (qui espère devenir parents bientôt) et ont aussi fondé une entreprise à but non lucratif, Yicount, (prononcez Why I count) qui aide les jeunes aux prises avec l’intimidation.
Crédit photo: Yulia Yermolayeva
Cet automne, Steph jouera un rôle bien différent rôle du généreux artiste qu’il est. Carse, le comédien, interprètera un avocat sans scrupule dans le film américain produit en sociofinancement Don’t Say My Name. Le sujet est très délicat : on y traite de trafic humain, particulièrement de trafic sexuel. Inspiré d’une histoire vraie, le film raconte l’histoire de la jeune Américaine Adriana, une survivante qui a réussi à s’échapper de ses ravisseurs. On la suit alors qu’elle tente de se remettre tant bien que mal de cette période traumatisante. Steph m’exprime avec émotion à quel point ce fléau est immense, aux États-Unis comme de notre côté de la frontière. C’est la deuxième industrie illégale la plus profitable au monde, à égalité avec le trafic d’armes, juste après le trafic de drogue.
« C’est la deuxième industrie illégale la plus profitable au monde, après le trafic de drogue. Imagine. Le trafic humain est un business récurrent pour les escrocs. L’avocat que je joue dans ce film n’a pas de peine à défendre ces salauds. Aujourd’hui même, 40 millions d’enfants dans le monde sont introuvables. C’est absolument inconcevable. Il faut informer les filles, les parents, la population. J’y mets mon grain de sel en participant à cette production. »
Pendant notre discussion, ma tête tournait en pensant à ces enfants et jeunes adultes disparus. Et elle tourne encore. On se sent complètement inutile devant un problème si grand que la traite des personnes. J’avoue qu’en tant que maman et belle-maman de trois filles, j’ai de la difficulté à m’approcher du sujet, même devant une page de journal. Comme si, en ne lui portant pas attention, le problème serait moins réel. C’est un bien mauvais réflexe, je vous l’avoue. C’est peut-être pour ça aussi qu’on le qualifie de crime invisible. Le trafic humain bien qu’il soit encore plus important en Europe de l’Est et en Asie est bien présent ici. Cela peut être la fille du voisin qui se fait enfirouaper par un beau et charmant garçon (au départ) qui, grâce à un subterfuge bien rodé, réussit à faire travailler sa blonde (ou ses blondes) pour lui. Et méfiez-vous, elles ne proviennent pas toutes de familles brisées. Elles peuvent venir de toutes les couches de la société.
Le soir après ma rencontre avec Steph Carse, j’ai fait de l’insomnie, mais mon attitude d’autruche allait se volatiliser. Mais puisque l’information est une arme puissante, j’ai décidé de vous d’en parler, et de me sortir la tête du sable! À mon avis, les autorités policières et gouvernementales doivent s’attaquer à cette portion du crime organisé de manière encore plus substantielle (d’ailleurs, il me semble que la sécurité de nos jeunes devrait être un enjeu électoral encore plus important?) Il faudrait dans les prochaines années non seulement protéger beaucoup plus les victimes, éduquer davantage nos filles et garçons, mais aussi créer des programmes d’intervention pour les jeunes hommes à qui l’on apprend dans l’éventail de crimes, à devenir proxénète. Les éduquer aussi ces hommes sur le fait que depuis 2014, la loi a changé et les nouvelles dispositions visent à réprimander les proxénètes et les acheteurs de services sexuels. Il faut dire aussi aux femmes de ne pas avoir peur de dénoncer, car il y a des professionnels pour les accueillir et les soutenir selon leurs besoins.
À la maison, il est primordial de comprendre comment une jeune femme peut devenir à risque et de trouver des manières d’en parler, même si nos filles roulent les yeux chaque fois et déclarent avec conviction que cela ne pourrait jamais leur arriver à ELLES. Peut-être réagissent-elles mal parce qu’elles ont peur de perdre leurs privilèges de grandes filles? On les comprend, car on a déjà eu leur âge. Mais il faut leur expliquer qu’ensemble, nous devons être encore plus futés que ces recruteurs et trafiquants. C’est tout un défi, entre autres, parce qu’ils moulent leurs stratégies et leur approche à la personnalité de chaque fille qu’ils visent. Parce qu’ils arrivent à obtenir leur consentement et gardent le contrôle physique ou psychologique sur elles tantôt par le charme, tantôt par la manipulation sans oublier l’abus de de pouvoir. Et même si la menace peut venir de l’extérieur, les jeunes femmes (97 %) ou les jeunes hommes (3 %) peuvent être captifs de quelqu’un qu’ils connaissent : un partenaire actuel ou ancien, un membre de la famille, un ami, un collègue de travail ou même un patron. Et en passant, il faut leur dire, à nos filles, que 80 % des auteurs impliqués dans les affaires de traite sont des hommes âgés entre 18 et 34 ans. On ne parle pas ici de « mon oncle Roger » avec une moustache.
Selon le Gouvernement du Canada, la traite des personnes se produit partout au pays. Elle pourrait arriver près de chez vous, près de chez nous. Voici selon le Gouvernement du Canada, les signes possibles de la traite des personnes à des fins sexuelles. Est-ce que vous ou quelqu’un que vous connaissez :
- Avez entamé une nouvelle relation avec une personne plus âgée ou plus riche, peut-être en ligne?
- Cette nouvelle relation semble-t-elle impliquer de la manipulation et du contrôle?
- Recevez des cadeaux ou de l’argent de votre nouveau partenaire, sans raison?
- Semblez être dans une relation qui a pris une tournure négative soudaine?
- Constatez que des images intimes de vous ont été partagées par quelqu’un en ligne, avec ou sans votre consentement?
- Vous sentez intimidé ou contrôlé? Les trafiquants contrôlent souvent, par exemple, le téléphone de leurs victimes, où elles vont, qui elles voient et peuvent retenir leurs papiers d’identité.
- Vivez et/ou travaillez dans des conditions dégradantes?
Si vous pensez que vous ou quelqu’un que vous connaissez pourriez être victime de traite des personnes, obtenez de l’aide maintenant.
Si cette personne, cette victime, c’est toi et que tu as la chienne, que tu te sens sale et que tu es recroquevillée sur toi-même, sache que je suis avec toi. J’ai le goût de te faire un câlin, de te dire que ce n’est pas de ta faute, que tu n’as rien fait pour mériter cette situation. J’aimerais te faire comprendre que tu n’es pas seule et j’aimerais tellement que tu puisses t’adresser à quelqu’un en qui tu as confiance, que cela soit à l’école, au travail ou dans ta famille. Ne reste pas seule là-dedans. Tu ne seras pas jugée. Le pire, tu l’as déjà vécu. Va de l’avant, même si tu as peur de faire de la peine. C’est toujours pour cela qu’on cache de telles choses. Mais ceux qui tiennent à toi sont capables d’en prendre, plus que tu penses, et de t’épauler vers la sortie.
On t’aime.
Ce message n’est qu’une petite pierre lancée dans l’océan, mais si elle peut faire une différence, ne serait-ce qu’une seule fois, mon souhait serait exaucé. Et si vos réflexes deviennent encore plus aiguisés qu’à l’habitude, cela sera peut-être parce qu’un chanteur country a fait résonner ses cordes vocales pour créer un autre genre de succès, celui de la prévention. On se le souhaite!
À lire, regarder ou écouter
Trafic
Le documentaire et balado Trafic raconte la quête d’une réalisatrice pour comprendre les rouages de l’exploitation sexuelle des jeunes filles à Montréal. Grâce à des accès privilégiés, elle interroge proxénètes, policiers, intervenants sociaux et victimes de l’industrie de prostitution juvénile. Et si toute cette industrie existe, c’est pour répondre aux besoins du client. Qui est-il et que cherche-t-il? Parlera-t-il enfin?
Le trafic humain est sous vos yeux
Si vous vous attardez à certaines vidéos sur YouTube comme celle-ci de Victoria Charlton au sujet du trafic humain, vous resterez surpris des commentaires. C’est comme si chaque témoignage sous la vidéo était une main levée, pour raconter à quel point elle est passée par là ou très près d’y être. On frissonne de réaliser à quel point le fléau est plus commun qu’on ne peut l’imaginer.
Pire idée de ma vie : sugar baby
Clémentine venait d’avoir 19 ans quand elle s’est inscrite en tant que sugar baby sur le populaire site web Seeking Arrangement. Jeune femme de bonne famille et qui ne manque de rien, jamais elle n’aurait pu imaginer que sa décision allait sournoisement la mener dans un engrenage d’exploitation sexuelle.