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Moi, Alex Marsolais

Le cœur libéré

J’ai l’habitude d’avoir le cafard le 5 décembre. À chaque année, le même cauchemar, la même histoire. Même si je ne veux pas, je ne cesse de penser au viol que j’ai vécu il y a plus de 30 ans. C’est comme si je le revivais encore, autant dans ma tête que dans mon corps. C’est fou à quel point le corps possède sa propre mémoire. À chaque année, à la même date, ma gorge se serre, mon cou fait mal et je prends froid. Fascinant.

Le 5 décembre dernier, l’odeur nauséabonde du camion était moins présente. Comme si elle commençait à s’évaporer. Mes blessures me font moins mal. Le temps y est pour quelque chose? Oui, c’est certain, mais le fait d’avoir partagé mon expérience il y a une dizaine de mois m’a enlevé un énorme poids sur les épaules. Mon histoire ne m’appartient plus. Je n’ai plus le fardeau de la garder pour moi, telle une tumeur qui ne cesse de grossir. Le cœur reprisé, c’était mon histoire et c’est maintenant la nôtre.

Par naïveté peut-être, dans ma tête, je publiais mon texte et c’était tout. Le sujet était clos. Plus rien à ajouter! Plus rien à dire! Oh que je m’étais trompé. Je ne m’attendais pas à la dose d’amour et de soutien que j’allais recevoir, tout comme le nombre de confidences de plusieurs hommes, femmes et même ados qui ont vécu une histoire semblable.  Et ça continue encore. Bon, oui, de temps en temps, il y a les haineux qui m’écrivent des bêtises, mais j’ai décidé de mettre l’accent sur le positif.

Un écho inattendu

Lorsqu’on m’aborde, cela me surprend toujours et ça me touche beaucoup. Je n’ai pas la force et les outils pour écouter toutes les histoires et pour conseiller les gens, ce n’est pas mon rôle, mais je sais que le simple fait d’en parler à quelqu’un qui comprend ce qu’ils ou elles ressentent leur font du bien. Ça arrive partout, par courriel, sur Instagram et même au gym et à la pharmacie. Je pense à cet homme qui me fixait du regard dans l’allée des shampoings. Je le sentais timide. Il est passé à côté de moi, m’a demandé si j’étais Monsieur Alex de Mitsou Magazine, puis a simplement dit: «Merci d’avoir parlé pour moi dans votre article.»

«J’ai fait parvenir ton texte à ma mère en lui disant:
‘‘Alex, c’est moi”.

«C’est mon histoire à moi aussi, je me suis reconnu en toi.»

«Je n’aurais jamais ton courage, mais de relire le texte me fait sentir que je ne suis pas seul.»

Des phrases comme celles-ci, j’en ai reçu plusieurs. Pourtant, je l’écrivais pour moi, ce texte! Mais finalement, ce sont des centaines de personnes qui l’ont signé avec moi.

Je me rends compte à quel point nous qui avons subi cette violence sommes nombreux et que le simple fait d’en parler ou de l’écrire fait un bien immense. Et si cela peut aider quelques personnes alors, pourquoi pas?

Depuis la publication, je souris davantage et je ne me cache plus derrière ce masque du Alex qui va toujours bien. Je n’ai plus rien à cacher. Enfin. Oh oui, enfin! J’ai mes hauts et mes bas, comme tout le monde et je me permets d’être vrai, d’être moi.

Boucler la boucle

Pendant 30 ans cette histoire, je la gardais pour moi. C’était mon jardin secret, un jardin de mauvaises herbes! Ma mère savait qu’il m’était arrivé quelque chose mais sans plus. Deux amis et mon amoureux aussi. C’est tout. Ni mon père ni ma sœur n’étaient au courant. Je n’avais pas le courage de leur en parler. La fin de semaine précédant la publication, je leur ai fait parvenir le texte et, étrangement, je ne craignais pas leur réaction. J’assumais déjà ce que j’avais écrit et les répercussions que cela pourrait entraîner. Après le choc, il y a eu les questions, la vague d’émotions, puis les rapprochements. Mon père m’a dit qu’il allait enfin rencontrer son fils, pas seulement la façade qu’il connaissait déjà, mais son fils, Alex, en entier. Notre relation a changé depuis la divulgation de mon histoire et juste pour cela, ça en a valu la peine.

L’événement du 5 décembre m’a fait souffrir mais je m’en suis sorti et j’en suis fier. Le cœur reprisé a pris ses ailes et m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes qui me sont chères. De nouvelles amitiés après 40 ans, oui, ça se peut! Je pense notamment à Simon, à Natasha et à Jeff, des personnes de cœur, vraies, à l’écoute, prêtes au partage et aux yeux étoilés. Des personnes qui, après une seule rencontre, m’ont fait croire en la bonté des gens. Je les aime profondément.

Mon cœur est encore reprisé. Il le sera toujours. Les points de suture sont bien ficelés, mais ils font moins mal. Ils prennent de l’expansion pour faire place à l’amour, la confiance et les nouvelles amitiés. Mon cœur est enfin libéré.

Je sens maintenant que cette histoire est bouclée. Je ne crois pas aux contes de fées mais mon histoire se termine en beauté.

À ceux et celles qui se sont reconnus dans un de mes deux textes, je tenais à vous dire que je vais bien et que vous aussi, vous avez droit au bonheur. Une seule personne ne peut pas nous détruire. Des bouées de sauvetage existent. Les miennes furent la musique et l’amour. Ils m’ont sauvé la vie. Je vous souhaite de trouver les vôtres.

Merci d’avoir pris le temps de me lire. Cela me touche beaucoup.

 

 

 

 

 

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