Finies les bosses! Maxime Dufour-Lapointe a accroché ses skis et elle se prépare tout doucement à retourner sur les bancs d’école puisqu’elle a eu le bonheur d’être acceptée en médecine à l’Université de Montréal. Eh oui, après avoir passé le tiers de sa vie à s’entraîner au sein de l’équipe nationale de ski acrobatique, l’aînée des sœurs Dufour-Lapointe est prête à relever de nouveaux défis. Alors que ses sisters Justine et Chloé sont présentement en camp d’entraînement en Australie, tous les yeux sont maintenant rivés sur elle, alors qu’elle réalisera bientôt l’un de ses rêves de jeunesse!
Juste avant d’entamer sa rentrée en médecine, Maxime s’est livrée à moi sur les balbutiements de sa nouvelle vie et de son plan après-carrière sportive! Et… Non, vous ne rêvez pas! Maxime était totalement rayonnante lors de notre rencontre!
Maxime, depuis l’annonce de ta retraite sportive, tu as reçu une belle vague d’amour du public!
Oui, j’ai reçu une dose massive d’amour et une tonne de messages très touchants sur les réseaux sociaux depuis l’annonce de ma retraite, je ne pourrais pas en être plus reconnaissante! Cette grande annonce était quand même planifiée et j’ai eu le temps de la digérer pendant l’été puisque j’ai été admise en médecine en mai dernier; ça a officialisé ma décision dans ma tête, mais ça me figeait de faire l’annonce, je n’étais pas prête à ce moment-là. J’ai pu partir en Grèce pendant deux semaines avec l’Académie internationale olympique plus tôt cet été et pendant ce temps, j’ai rencontré plein de gens superbes qui sont devenus des amis. Après j’ai décidé d’allonger mon voyage d’une dizaine de jours en visitant les îles grecques et j’ai pu profiter de ce moment avec moi-même pour faire le vide, gérer mes émotions, réfléchir sur ma carrière et tout ce que j’ai accompli. J’en avais besoin! J’ai été chanceuse d’avoir un été pour faire la transition entre ces deux étapes-là, pour laisser la poussière retomber et ne pas brûler d’étapes… Mais surtout, comprendre tout ce que ça signifiait de prendre sa retraite! La retraite, ça peut parfois faire peur parce qu’on se retrouve face à l’inconnu, mais moi je vois ça comme une célébration. Je termine un beau chapitre de ma vie et j’en commence un autre, qui s’annonce tout aussi merveilleux.
La médecine a toujours fait partie de mes rêves d’enfant! Déjà, au secondaire, j’avais les yeux tournés sur cette discipline et je sentais que j’allais y trouver ma place un jour ou l’autre. On dirait qu’il y avait une force qui me poussait à poursuivre dans le ski, étape par étape, alors que j’étais à mon meilleur… Je me disais que l’école serait toujours là, après! Après Sotchi, mes soeurs et moi, on a tellement vécu des émotions fortes! J’avais fait des démarches pour retourner à l’école, mais on dirait que le timing n’était pas bon: j’étais au max de mes capacités et je ne pouvais pas passer à coté de ce que mon sport me réservait puisque mes belles années dans le sport n’étaient pas encore terminées!
Qu’est-ce qui t’attire dans la médecine?
Je suis curieuse et j’ai une grande soif d’apprendre! Le corps humain me fascine depuis toujours. Tout ce qui a une suite logique, les trucs compliqués, j’aime comprendre tout ce qui est complexe et ensuite l’expliquer simplement à quelqu’un: comment fonctionnent les cellules, le chimique et biologique dans le corps humain, j’ai toujours eu une certaine facilité à comprendre… J’ai toujours eu le feeling que je trouverais ma place dans ce domaine-là! Je suis contente d’entrer à l’université à 29 ans après avoir amassé tout ce bagage de vie que m’a amené le ski. Mon sport m’a permis de développer mon côté plus humain, la communication avec les autres, le travail d’équipe! Grâce à lui, j’ai développé plusieurs habiletés de vie qui vont m’aider à être un meilleur médecin: être capable de focuser, faire un plan, le suivre et être déterminée. Ce qu’on apprend dans le sport s’applique dans la vie aussi! Dernièrement, mes blessures, mes chirurgies et le cancer de ma mère, je pense aussi que ça m’a apporté une autre perspective, une plus grande maturité qui va être très utile en médecine, qui va me permettre de mieux comprendre les gens.
Sais-tu dans quoi tu veux te spécialiser ou tu souhaites être médecin généraliste?
Il existe beaucoup de spécialités en médecine et je crois que je vais découvrir ce qui me passionne réellement lors de mes études. Il y a tellement de choses qui m’intéressent… Par exemple, avec notre partenariat avec l’Hôpital Ste-Justine, j’aime beaucoup le travail qu’ils font avec les enfants! Je serais intéressée aussi à l’urgence, car ça rappelle le rush d’adrénaline de la course. Ça pourrait aussi être médecin de famille, parce que c’est un peu comme un coach d’athlètes et tu accompagnes tes patients à les rendre autonomes, qu’ils prennent soin d’eux. Médecin sportif aussi puisque j’ai été 18 ans au total dans le sport, 12 ans sur l’équipe nationale et si je suis restée aussi longtemps là-dedans, c’est parce que j’aimais ça! Je me garde l’esprit ouvert, car c’est une toute autre aventure, la médecine. Si je veux profiter de tout ça je dois saisir les opportunités qui se présentent et sauter à pieds joints, rester l’esprit ouvert et ne pas arriver avec des idées préconçues!
En tout cas, avec Joannie Rochette et toi qui étudiez en médecine, le Québec a une belle relève!
C’est vrai (rires)! Je suis d’ailleurs allée souper avec Joannie il y a 2-3 ans, quand j’ai su qu’elle avait été admise en médecine à l’Université McGill, car je voulais savoir comment elle avait fait, comment avait été son parcours. Ce n’est pas facile d’entrer en médecine et elle a pris le temps de m’expliquer comment elle avait vécu la transition du patin à son retour à l’école, ses plus grands défis, ses craintes, etc. Ça m’a préparé mentalement à ce qui s’en venait pour moi, j’étais un peu moins dans le noir, même si je pense qu’il faut le vivre. C’est drôle parce qu’on sort d’un cadre tellement serré quand on arrête le sport (les entraînements à répétition, la communauté sportive, être toujours à son maximum) que lorsque tu arrêtes ça, il y a une cassure qui se créée… Je voulais prendre le temps de bien vivre cette cassure-là, pour être capable après de me bâtir une nouvelle routine avec l’école qui va commencer en septembre! Je ne sais pas comment je vais me sentir en mode étude, assise… je suis entre deux présentement. C’est sûr que je vais continuer à m’entraîner, je suis super active, je fais de l’équitation, en Grèce j’ai aussi fait de la voile. J’aime être avec mes sœurs en dehors du sport, c’est pour ça qu’on s’est parties en affaires et qu’on travaille sur d’autres projets. On reste les sœurs Dufour-Lapointe même si je prends une autre branche et éventuellement ce sera à leur tour! Cet été, je suis allée à beaucoup d’événements et tapis rouges en mode solo, c’était beaucoup plus intimidant, oui, car on est habituées d’être toujours à trois, on se sent plus fortes à trois, plus qu’individuellement. Avec cette transition-là vient aussi le développement de notre individualité, mais je suis sûre que notre trio va aussi devenir plus fort, puisque nous serons plus épanouies en tant qu’individus.
Comment tes sœurs ont vécu l’annonce de ta retraite? Ça a dû être un petit deuil à vivre puisque vous étiez toujours ensemble?
Oui, c’est surtout les choses de notre quotidien qui ne sont plus pareilles: on allait au gym toutes les trois, on partait en voyage ensemble, quand on était en Australie, l’une allait faire l’épicerie, l’autre commençait le souper et l’autre allait au physio… Ensemble, on partageait nos tâches du quotidien et maintenant, eh bien, elles sont deux! On avait déjà eu un petit avant-goût parce que je ne compétitionnais pas avec elles à Pyeongchang et elles ont terminé la saison ensemble. C’est une adaptation, pour elles comme pour moi, mais ça se passe bien, c’est plus des petits pincements au cœur que je vais avoir pendant un an à chaque nouvelle étape. Par exemple, Justine et Chloé viennent de partir en Australie, je les regarde s’entraîner et je n’ai plus envie de faire ça… je voudrais être avec elles parce que c’est le fun d’être ensemble, mais je ne voudrais plus faire ce qu’exige la vie d’athlète. Dans ma tête, je suis rendue ailleurs, je veux retourner à l’école et faire autre chose de ma vie maintenant! Je me sens bien d’être chez moi, à la maison.
Quand j’ai eu la nouvelle que j’étais acceptée en médecine ça a été une grosse célébration chez nous, car ça fait longtemps que mes parents et mes sœurs savent que c’est ça que je veux faire! Tout le monde était vraiment content que ce nouveau rêve puisse enfin s’accomplir, ça a été un grand moment. Mes sœurs et ma famille me supportent, autant que dans le sport… En fait, peu importe ce qu’on fait dans nos vies, on va toujours se supporter pour devenir de meilleures versions de nous-mêmes, pour qu’on se pousse vers de plus hauts sommets. Ce qui a changé, c’est seulement le fait de moins se voir et notre façon de communiquer! On est très émotives, très sentimentales chez les Dufour-Lapointe, alors ça ne va que faire de plus belles retrouvailles quand on va se retrouver toute la famille et partager nos beaux moments, comme ceux qui ont été plus difficiles. La retraite a amené son lot de grandes et fortes émotions, mais à chaque fois, j’ai eu une oreille attentive pour m’écouter, quelqu’un qui était là pour moi… c’est ça qui contribue à rendre la vie plus belle! Et de toute façon, on habite dans la même bâtisse alors on ne sera jamais bien loin l’une de l’autre!
Est-ce que le fait que tu prennes ta retraite a fait l’effet d’un son de cloche chez tes soeurs, est-ce qu’elles se disent qu’elles vont vivre ça bientôt elles aussi?
Je ne sais pas… il faudrait leur demander! Peut-être plus Chloé, car elle est plus vieille que Justine… Je pense qu’à la suite des jeux de Pyeongchang, elles se sont dit qu’elles n’avaient pas fini et qu’elles souhaitaient poursuivre leur carrière dans le sport. Elles ont voulu continuer, mais elles savent que ça va s’arrêter tôt ou tard. Mes parents m’ont bien encadrée pour ma transition suivant la retraite. Tout a été orienté pour que ça puisse se faire en douceur. Je dirais que Chloé se prépare tranquillement, Justine aussi. C’est une grande étape dans une carrière d’athlète. On sous-estime l’impact émotif, ça change une vie! C’est plus facile pour moi sachant que j’ai une suite qui s’en vient.
Tu me parlais de votre compagnie, à tes soeurs et toi… Travaillez-vous sur quelque chose de nouveau?
On a développé des designs, mais on s’est aperçu qu’on en avait beaucoup sur les épaules. Mes sœurs ont un nouveau programme d’entraînement parce que le sport sera encore plus axé sur les sauts, elles ont un horaire différent et je pense que ça leur a fait du bien, elles ont passé l’été à Montréal. Elles viennent de partir pour l’Australie, moi j’étais dans ma retraite et ma transition, je suis partie trois semaines en Grèce. Tout ça pour dire qu’après Pyeongchang, c’était un peu chaotique et on a essayé de ralentir la cadence pour mieux se ré-enligner sur nos priorités! On continue de développer, mais on prend notre temps pour bien faire les choses. Le collier «Soeurs» continue de faire son bout de chemin, les gens ne cessent de nous en parler, et on attend le bon moment pour ajouter d’autres pièces à la collection. D’autres projets se développent sur le long terme aussi!
Vous êtes toutes les trois discrètes sur votre vie privée, est-ce que c’est dans tes plans futurs de fonder une famille?
Nos vies privées vont continuer de rester privées! Je m’en vais en médecine alors les 6-7 prochaines années vont probablement être assez dédiées à mes études… Mais oui, fonder une famille, c’est une porte ouverte. Quand? Je ne sais pas, l’horloge biologique ne sonne pas en ce moment et si j’ai des enfants, je veux être présente. J’aurai des choix à faire à savoir à quel point je veux me dédier à ma carrière à ce moment-là. Je ne suis pas encore là présentement, mais c’est ouvert!
Le mot de la fin: quel est ton plus beau souvenir en carrière?
J’ai 29 ans, j’ai passé 18 ans dans le sport et 12 ans sur l’équipe nationale. Sotchi est un beau souvenir, une victoire personnelle. Pour moi, d’être devenue une Olympienne, c’était un rêve… je me disais que j’étais vraiment capable de faire ça, «moi». Le jour où j’ai vu Chloé aux Olympiques, j’ai réalisé à quel point c’est beau, que ça a le potentiel de rallier le monde et de montrer le meilleur de l’humanité. Ça m’a interpellée et c’est à ce moment-là que j’ai moi aussi eu envie d’être Olympienne. Le chemin a commencé, le développement personnel, m’exprimer, travailler encore plus en équipe, m’engager à fond dans mon sport et passer à travers ma peur de l’échec pour m’épanouir. Je suis une personne cérébrale et avec le sport j’ai réussi à mettre ma tête et mes émotions ensemble. Quand tu es cérébrale, tu vois beaucoup plus ce qui peut mal aller que ce qui peut bien aller et ça me freinait beaucoup parce que je voulais être parfaite, ne pas faire d’erreurs. Mais dans le sport et dans la vie, il faut en faire des erreurs pour donner le meilleur de soi-même. Les échecs, ça n’existe pas, tu apprends ou ça fonctionne! C’est quand j’ai compris ça que j’ai pu renouer non seulement avec moi-même, mais avec mon sport! J’ai commencé à performer quand j’ai réussi à passer à travers ma peur de l’échec. De me rendre jusqu’aux jeux, c’était une victoire personnelle.
Mon souvenir préféré, c’est définitivement le triplé historique de la Coupe du monde de ski acrobatique de Val Saint-Côme en 2016. Quand c’est arrivé, je me suis immédiatement dit que c’est pour ça que je faisais du ski acrobatique depuis si longtemps, que les hauts et les bas en valaient la peine. J’ai eu une illumination, un feeling clair: quelles étaient les chances qu’on gagne toutes les trois, devant notre famille et nos amis? C’était un véritable conte de fée, une grande célébration! C’est rare dans une vie que tous les éléments se mettent ensemble, au bon endroit, au bon moment… quand ça passe, il faut saisir l’opportunité. Ça va rester graver à tout jamais dans mes souvenirs!
Psssst! Maxime était toute en beauté, portant une robe Zara et des souliers Aldo!