Ça s’est passé il y a un an et demie. J’ai écrit en une heure un texte intitulé La revanche des moches qui décrivait ma sinueuse route sur le chemin des troubles alimentaires. J’ai voulu l’écrire pour me défaire de mes propres jugements, des attaques que je m’infligeais depuis des années.
En le publiant sur mon blogue, j’ai créé un instant de non-retour. Je ne savais pas par contre à quel point ce moment allait être charnière. Vous avez répondu à mon appel, m’avez tendu la main et depuis ce temps, nos conversations sont devenues plus significatives, plus ouvertes. Une connexion sans filtre nous rassemble.
Le plus gros du travail restait tout de même à faire. Je me suis donné un an. Un an pour me sentir mentalement et physiquement bien ‘dans mon corps de jeune fille’. J’ai lu sur le sujet. J’ai facetimé avec des professionnels. Je me suis assise dans des cabinets de psy. Je me suis regardé le nombril pour vrai. Mon chum ne m’a pas reconnue pendant un bout! Mettre du Jig-A-Loo dans la serrure des sentiments enfouis, a ouvert grand porte à une révolution pas si tranquille. Le changement, ça dérange. Vivre avec un trouble alimentaire, c’est un peu comme de se droguer avec de la bouffe (ou avec le manque de bouffe). C’est la meilleure façon de s’isoler et de se détacher des émotions trop vives. Il faut donc reconnecter avec soi et avec les autres, s’exprimer sur ce qui ne va pas et établir ses limites, ce qui peut être pénible pour l’entourage quelque temps… mais ça finit par se calmer et aux dernières nouvelles, mon amoureux et moi sommes encore ensemble! Yé!
Avec tout ça, j’ai appris à être encore plus transparente avec l’homme de ma vie. J’ai aussi accepté de demander de l’aide à mes amis et de faire confiance à mes compagnons de travail. Tous cela m’a aidée à devenir chaque jour un peu plus la femme, l’amie, la leader que j’avais envie de devenir.
Mais j’avoue que c’est long en mautadine, se libérer! Après un an, je me suis rendue compte que mon échéancier était beaucoup trop court. Il fallait que je continue sans avoir encore vu un signe distinct de ma guérison. J’avais un bout de fait, mais la route était plus sombre et escarpée que je ne l’avais imaginée. C’est comme si je m’étais engagée sur le chemin de Compostelle en pensant que ça me prendrait une fin de semaine pour le parcourir! Sur ma route, j’ai rencontré des gens significatifs. La première est une spécialiste et auteure qui m’avait recommandé de manger ce que je voulais, en tout temps, pour faire comprendre à mon corps que je n’étais plus en situation de famine et pour trouver mon vrai poids santé. Une technique choc, très angoissante pour quelqu’un qui a tout calculé pendant des années. J’ai absorbé l’essentiel de sa technique et pris 13 douloureuses livres (ça s’est rééquilibré un peu plus tard, avec l’aide d’une naturopathe). J’ai poursuivi ma route sans elle, mais je peux maintenant mieux comprendre les effets de son apprentissage. Plus aucune tablée ne me fait angoisser. Pas même celle du temps des Fêtes. Je déguste ce qui me fait plaisir et je m’arrête naturellement. Cette spécialiste m’avait aussi dit de prendre mon temps… Le plus difficile est de s’octroyer l’indulgence nécessaire à la guérison.
J’ai par la suite rencontré une psy ayant beaucoup de compassion, qui m’a offert une perspective nouvelle sur de vieux sujets. J’ai compris que je ne devais pas diminuer l’impact d’avoir commencé à faire de la télé à l’âge de cinq ans et d’avoir débuté ma carrière de chanteuse pop à dix-sept. Vouloir plaire à une équipe, à un public, à un employeur a ses effets sur un être humain. Voir son image reflétée sur petit ou grand écran aussi, croyez-moi. J’avais toujours banalisé, normalisé mon histoire. J’ai dû réévaluer l’importance qu’avait eu le regard des autres sur moi pendant toutes ces années.
Ah… Et dans le fond, le regard des autres…. Il n’est franchement rien comparativement à mon propre regard, injuste et perfectionniste!
J’ai rencontré une réalisatrice aussi douée que sensée, qui m’envoyait dans la salle de montage des lignes assassines et révélatrices, du genre « Ce n’est pas grave si tu as un bourrelet dans le dos à l’écran quand ton invitée te raconte qu’elle s’est fait vomir dans les toilettes tout au long de son secondaire. Tu pourrais peser 230 livres que le message serait encore aussi beau. » ou « On s’en fout de ta veste en jean trop petite quand ton invitée te raconte que son père la violentait pendant son enfance ». Ben oui. C’est sûr qu’on s’en fout! C’est certain que lorsque que l’on décide d’aller à la rencontre des autres, on va aussi à la rencontre de soi. Encore faut-il bien s’accueillir.
M’accueillir signifiait entre autres accepter ma féminité, celle qui est physique, mais aussi l’énergie féminine dans mon quotidien. Moins d’action et plus de douceur. Nous vivons dans un monde masculin où la performance est valorisée au plus haut point. J’ai dû m’écouter mieux et baisser l’intensité de ma vie pour trouver le sweet spot. Le plus beau cadeau que je me suis offert? Le temps de cultiver ma spiritualité. Celui de revenir à ‘L’essentiel’ et aux ‘Yeux du cœur’ (c’est là qu’on se rend compte à quel point plusieurs chansons ont été chantées à ce sujet!). La spiritualité m’a appris à vivre le moment présent. Pas le moment présent du petit carton détachable dans le 7 Jours à coller sur son frigo. Le vrai. Le présent acquis avec la méditation quotidienne, en lui accordant le temps nécessaire pour prendre l’espace qu’il mérite.
Vivre un trouble alimentaire ou une mauvaise relation avec son corps (parce que l’on n’est pas obligé de se rendre aussi loin), est la meilleure manière de ne pas vivre le moment présent. On vit dans le passé en espérant reprendre la taille que l’on a eue il y a très longtemps, ou dans le futur avec l’ambition d’arriver à la taille souhaitée quand on se sera suffisamment sevrée de nourriture. Tout ça parce que ce que l’on est ‘trop’ ou ‘pas assez’. Accepter de vivre l’instant présent, c’est ne plus vivre ailleurs que dans son corps, son cœur et son âme, LÀ, NOW, EN CE MOMENT et ça, ça fait le plus grand bien.
Il y a eu des rechutes, des moments de doute, mais je comprends maintenant exactement ce qui les cause. Je peux donc me replacer au bon endroit, bien ancrée, beaucoup plus rapidement. Je sais à qui je peux parler franchement (vous vous reconnaissez peut-être ici) et m’ouvrir en versant quelques larmes quand c’est nécessaire. L’expérience m’a rendue plus tendre, avec un peu plus de mush mush sur les hanches, mais la vie avec vous, a bien meilleur goût.
Merci!